#10 Guyom Pavesi (Devianz)

dw19ht - 11/09/13 18:00

guyom

Photo : Alice Didier 

Rencontre au sommet avec Guyom Pavesi, chanteur et musicien d’exception. Véritable énergumène de la scène française (puisqu’on l’a déjà vu aux manettes de Checkmate, The Prestige ou encore Headcharger en plus d’assurer le poste de frontman de Devianz), nous l’avons soumis à nos questions pour une interview d’anthologie à découvrir aujourd’hui sur AllTheRageTV.

Si tu devais nous donner un album des années 80 qui t’a marqué ?

Question difficile, j’ai tendance à voir les années 80 comme une décennie noire pour la musique !  Beaucoup ont été piégés par l’appât de la surproduction et ont fait des choix artistiques sans saveur. Regarde David Bowie et Iggy Pop ! Du coup, et c’est presque de la triche car c’est plutôt une pierre angulaire qui a mené aux années 90, je retiens Bleach de Nirvana, sorti en 1989. Néanmoins, si j’étais né plus tôt, j’aurais sûrement choisi Pretty Hate Machine de Nine Inch Nails.

Des années 90 ?

Il y en a tellement! En tant qu’ado à l’époque, Silverchair m’a fait une très forte impression. Ils étaient un peu plus vieux que moi mais faisait une musique démente pour leur âge, j’étais bluffé ! J’ai commencé à les écouter dès Frogstomp, mais c’est Freakshow qui m’a mis KO en 97. Cet album est noir, pesant, il regorge de références, la prod de Nick Launay est monstrueuse, les arrangements sublimes… Et pourtant on sent leur jeunesse encore ! J’ai les versions française et américaine du CD, les singles qui en découlent, et même le vinyle. C’est dire s’il m’a marqué !

Et des années 2000 ?

J’hésite… Il y a eu de très bonnes choses… White pony de Deftones, Thirteenth Step d’A Perfect Circle, Relationship Of Command d’At The Drive-In, Kid A de Radiohead, 100th window de Massive Attack, Uh huh her de PJ Harvey, Songs for the deaf des Queens Of The Stone Age, Drink Me de Queen Adreena, Lateralus et 10 000 Days de Tool… Mais par-dessus tout, c’est Effloresce d’Oceansize qui l’emporte. Et je crois que ce groupe restera longtemps mon groupe favori tant leur musique était riche et soignée. Je ne les ai vus que neuf fois en concert malheureusement (ah !), et j’écoute leurs albums régulièrement.
Pour la petite histoire, c’est Bastien Burger (actuel guitariste-bassiste de The Dø) qui m’a fait découvrir Oceansize quand je faisais le son de la tournée 2003-2004 de Lycosia.

Quelle est la plus belle pochette d’album selon toi ?

Mmm… Je ne sais pas… Takk… de Sigur Rós ? Ou alors À corps interrompus de Devianz, ah ! C’est Edie, une jeune artiste bretonne exilée à Berlin, qui l’a réalisée. J’adore son travail.

sigur_ros_-_takk

Et la plus moche ?

Sans hésitation : Daisy de Brand New ! Quelle horreur !! Et pourtant, avec Sound Awake de Karnivool, ils se battent pour la première place de mes disques préférés des années 2010.

BRand new daisy

Quel album a changé littéralement ta vie ?

Sans conteste Nevermind de Nirvana. Un copain de sixième qui m’a appris quelques rudiments de batterie m’a passé la cassette audio en fin de leçon. Je l’écoutais le jour sur mon walkman, la nuit sur mon poste. Je rejouais les parties de Dave Grohl, surtout « Territorial Pissings » parce qu’il frappait vite et fort. J’ai réussi à trouver les accords de « Polly » alors que je ne savais pas jouer de guitare ni lire de partition, je chantais en même temps dessus. Et je pense que c’est vraiment ce qui m’a donné envie d’apprendre l’Anglais. C’était fou ! L’énergie du punk, la viscéralité du rock et les mélodies de la pop. Tout ça dans un seul disque.

Quel est le premier album que tu as acheté ?

On y revient, il s’agit de Bleach de Nirvana ! Ma mère me l’a offert avec un poste CD pour mon anniversaire, sûrement en 1995. Il coûtait 70 francs au supermarché du coin mais est passé à 54 francs à la caisse ! Va savoir pourquoi ça m’a marqué… En tout cas, le rock se vendait bien au supermarché à l’époque !

Quel est le dernier album que tu as acheté ?

L’homme à tête de chou de Gainsbourg. Je ne l’ai pas encore écouté, mais ça ne saurait tarder. J’ai été sidéré par Histoire de Melody Nelson dernièrement. Je découvre cet artiste sur le tard, mais j’ai l’impression d’en apprécier d’autant plus les différentes facettes. Les personnages dérangés me fascinent.

Quel album t’a donné envie de jouer de la musique ?

Bizarrement, je crois qu’il n’y a pas eu un album en particulier. À l’époque, une radio associative (Radio Activ’, qui existe toujours d’ailleurs) en Bretagne diffusait des émissions consacrées au punk. Il y avait aussi bien du NoFX que du Ludwig Von 88 ou du GBH, et parfois, au milieu de tout ça, on entendait une chanson de Marylin Manson ! C’était ouvert d’esprit, et délibérément dirigé contre le carcan de la bonne pensée judéo-chrétienne. J’étais jeune et j’imagine que c’est le vecteur qui m’a poussé à prendre les baguettes.
De plus, le contexte était étrange à l’époque : certains amis se tailladaient le torse pour combattre leur mal-être, prenaient diverses drogues, d’autres sont allés jusqu’au suicide. J’étais optimiste, j’ai choisi la musique.

Si tu devais emmener un seul album à écouter en boucle sur une île déserte quel serait-il ?

Un disque que je ne connais pas encore, sûrement une œuvre classique. Le Requiem de Mozart par exemple. D’avance, je sais que ça va être riche, qu’il faudra des centaines d’écoutes avant de tout ressentir. D’ailleurs, j’écoute de plus en plus de musique classique ces derniers temps. D’une, ça me permet de noter des idées pour les arrangements et la réalisation des albums sur lesquels je travaille. De deux, ce sont des disques dont la dynamique est respectée, contrairement à tout ce qui sort actuellement et qui est constamment à fond, compressé à outrance, et qui me fatigue physiquement et nerveusement. Le premier album de June Lullaby qui sortira dans quelques mois a été fait ainsi, en respectant la dynamique des instruments et le jeu des musiciens. Les pressions et dépressions de leur musique en font un disque agréable à écouter. Je vous conseille de vous pencher dessus à sa sortie, c’est la réalisation dont je suis le plus fier à ce jour !

Quel album sorti récemment conseillerais-tu à ton meilleur ami ?

Sound Awake de Karnivool. C’est un peu la rencontre de Tool, Dredg et Incubus en Australie. C’est puissant et maîtrisé, surproduit à mon goût mais assez respectueux du groupe tout de même. Chaque chanson est un voyage, ça va très loin. Quant au chanteur, je n’ai jamais entendu pareil mélodiste. Toutes les lignes sont entêtantes et donnent envie de fredonner ! Et, cerise sur le gâteau, les paroles ne sont pas en reste.

Celui que tu conseillerais à ton pire ennemi ?

Je lui dirais d’acheter un album de Devianz, parce qu’il y a sûrement une ligne pour lui dans ce disque, ah ah !

Quel est l’album que tu regrettes d’avoir écouté ?

Pretty On The Inside de Hole. Je regrette d’avoir acheté ce disque parce que je pensais que ce groupe pouvait avoir quelque chose d’intéressant à dire.

Si tu pouvais former un super-groupe, qui tu y intègrerais (avec des membres vivants ou morts) ?

Cette question est géniale, c’est la partie récréation là !
À la batterie, je mettrais Abe Cunningham de Deftones ou John Bonham de Led Zeppelin, tout dépendant de la disponibilité de chacun bien sûr (sic). Ces gars ont une empreinte rythmique et un groove indéniables. Dès que tu les entends jouer, ton corps se met à bouger, tu n’as pas le choix.
Je prendrais deux guitaristes : Mike Vennart d’Oceansize pour l’agilité de son poignet et sa facilité déconcertante à placer des phrases de guitare de façon inattendue. Et puis un génie du gimmick comme Josh Homme des Queens Of The Stone Age ou John Fogerty de Creedence Clearwater Revival pour rendre les chansons inoubliables.
Au clavier/orgue/piano, je demanderais à Jean Navarra de The Locomotive Sound Corporation de nous rejoindre. Ce gars est un fou doublé d’un musicien de talent. Il y aura de très belles choses sur leur premier album qu’ils sont actuellement en train de composer.
Avec tout ce beau monde, il y aurait une place de choix pour Julien Reymond de Oneyed Jack. Allez écouter ses lignes de basse, aaaah !! On ajoute le Kronos Quartet et Drew Hester des Foo Fighters, Nigel Godrich à la production, et c’est parfait ! J’aurais une certaine pression sur les épaules en tant que chanteur parmi tous ces gens, mais ça se tente !

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