Interview//Agrion Splendens

- 18/06/13 19:46

agrion

Parfaitement fascinés par le premier EP des toulousains de Agrion Splendens, il nous semblait naturel de tenter d’en apprendre un peu plus sur ce nouveau groupe qui risque de faire assez mal dans les années à venir. Leur S/T (chronique ici) a reçu un 5/5 chez nous et on espère qu’il vous a plu à vous aussi pour que vous puissiez prolonger l’expérience avec cette petite lecture des plus instructives (streaming bandcamp ici).

 

 

Tout d’abord comment allez vous ? Pouvez-vous présenter un peu le groupe et ses origines ?

Ecoute ça va plutôt pas mal merci ! Pour faire concis on est cinq, on vient de Toulouse et on existe depuis Mars 2011. Sally et moi-même (Vincent, guitares) nous sommes rencontrés à cette époque. On a commencé à jouer ensemble puis fait quelques répets en cherchant à compléter le line-up. Damien (basse) est arrivé dans la foulée, Mathieu (chant) un peu plus tard, et Yoan (batterie) a succédé à un premier batteur. On a monté rapidement un set et on a fait notre première date en Septembre 2012.

 

Un insecte c’est souvent vu comme un synonyme de saleté, de crasse, c’est quelque chose dont on ne voit pas toujours l’intérêt au début et qui fait un peu peur, c’est pour ce genre de qualité ques vous avez choisi un type de grillon pour votre nom ?

Pour être tout à fait honnête, je pense qu’on n’a pas vraiment cherché une signification symbolique, on a entendu ce mot (qui désigne en fait un type de libellule) à l’époque où on cherchait un nom de groupe et la sonorité nous a plu. Mathieu aime bien le latin et en même temps prononcé à l’anglaise ça nous parlait. Il y a un paquet d’insectes qui trainent dans des artworks de groupes plus ou moins bourrins (par exemple l’artwork de Ruin d’Architects ou des designs de Seldon Hunt) mais ce n’est pas vraiment pour l’aspect visuel ou une symbolique métaphysique qu’on a choisi ce nom.

 

Avec un son noir comme le votre et des noms de pistes comme « Nihil », on ne peut s’empêcher de penser à Celeste, c’est l’une de vos influences ?

A priori pas du tout, je crois que je suis peut-être le seul du groupe à vraiment écouter Celeste et j’avoue que je n’ai jamais pensé à eux dans le cadre de ce groupe, donc si c’est une influence elle est très inconsciente. Après je suppose que le côté guitare vaporeuse couplée à des parties de double et une ambiance noire qu’on a sur quelques passages peut peut-être évoquer quelque chose de proche dans l’idée. Je pense qu’on a quand même un feeling plus “progressif” et moins frontal, un peu moins extrême. Après c’est toujours délicat de savoir d’où viennent vraiment les idées.

 

Chaque titre de morceau reflète quelque chose qui de prime abord paraît ultra négatif (la dystopie ou le mensonge par exemple), mais ce n’est peut-être pas nécessairement le message que vous tenez absolument à faire passer ?

Je pense qu’il n’y a pas que du négatif dans ce qu’on fait, mais c’est quand même l’idée de base de faire quelque chose de très noir. On a tendance naturellement à injecter des idées un peu nostalgiques ou mélancoliques par dessus qui brouillent un peu les pistes, mais l’idée première c’est clairement de toucher la noirceur du doigt. Après on aime bien aussi agrémenter les compos comme ça vient, donc si dans le déroulement on peut mêler ça à d’autres choses ça ne nous pose pas de soucis. Niveau chant, Mathieu personnifie un regard noir sur le monde, pour se différencier de Eryn Non Dae. où il hurle aussi mais où les paroles sont plus centrés sur l’introspection et l’amélioration de soi.

 

Si votre EP était une histoire, que raconterait-elle ?

Ca serait l’histoire du monde actuel vu par quelqu’un d’assez pessimiste, qui n’en voit que les côtés dégénérescents. L’histoire d’un monde qui court à sa perte en somme, avec tous les symptômes du désespoir qu’on peut voir dans la vie de tous les jours.

 

Quelle place donnez vous au chant et aux paroles dans votre processus de composition ?

Les paroles n’ont pas trop d’impact sur le processus de composition, à part qu’on s’est tous mis d’accord dès le début sur le thème, donc on essaye de garder une cohérence avec ça. Par contre on construit beaucoup en ayant l’aspect voix dans un coin de la tête. On essaye de garder des structures qui permettent d’avoir une évolution de la voix cohérente au fil d’un morceau. Dès qu’on a quelques idées de riffs ou de passages, on se pose la question de savoir comment le chant va s’intégrer là-dedans, et on retravaille les ponts et les transitions pour arriver à quelque chose qui nous paraît cohérent. On veut garder un minimum de structure, éviter de trop partir dans du barré sans queue ni tête. Penser à la progression du chant nous permet de garder une cohérence même sans tomber nécessairement dans du couplet/refrain.

 

Dans « Dystopia » vous ajoutez une voix plus chantée qui diffère des cris que l’on a eu jusqu’à présent, c’est un style de chant que vous teniez à exploiter ?

On a surtout envie que chacun fasse un peu ce qu’il ait envie de faire. Dès le début Mathieu a cherché à exploiter d’autres aspects de sa voix que dans Eryn Non Dae., et « Dystopia » était un morceau un peu différent dont on trouvait qu’il se prêtait à un truc plus scandé et rapide, alors on s’est lancé. Il est fort probable qu’on continue à exploiter ce type de particularités par la suite oui.

 

On a souvent l’impression dans ce style de musique a contrario des autres, que la voix est secondaire, que l’on désire d’abord bien faire entendre la bande sonore, et que l’on laisse la partie bruitiste et brouillonne au chant. C’est le cas chez vous ?

On n’a pas décidé de mettre le chant spécialement en avant ou en retrait. Je crois que notamment avec les guitares on essaye de construire un paysage, et l’idée c’est que la voix s’y intègre, mais sans non plus être un élément bruitiste. Les paroles sont très travaillées, même si on a conscience qu’elles sont pas forcément évidentes à interpréter avec ce type de chant. On peaufinerait probablement beaucoup moins les paroles si l’idée était juste de se servir du chant comme d’une texture,

 

Comme en post-metal les musiques sont assez longues, les EP sont souvent proche en minutes de LP d’autres styles. Du coup, vous préférez rester sur des EP d’une demie-heure ou vous comptez passer la deuxième et nous balancer dans un an ou deux une grosse maquette d’une bonne heure ?

On ne s’est pas trop posé la question sous cet angle en fait. On avait cinq morceaux dont on était contents, on a commencé à les jouer en live, ça correspondait à une première étape et on s’est dit qu’on voulait les poser sur un support comme ça. Si on en avait composé huit avant le premier live je pense qu’on aurait sorti un album à la place d’un EP, tout simplement. C’était plutôt pour marquer le point de départ du groupe qu’une volonté de choisir tel ou tel format. Par contre par la suite il est fort probable qu’on bosse plutôt sur un format plus long (donc album), ou à l’inverse des splits. C’est des choses dont on discute aussi en ce moment. Un deuxième EP paraît peu probable.

 

Est-ce que faire du post-metal ou du post-core de ce style c’est forcément se complaire dans la noirceur ?

Je ne sais pas, il y a un côté où on joue vraiment ce qu’on joue naturellement entre nous. Quand j’ai commencé à jouer de la guitare avec Sally, le registre où on se retrouvait le plus l’un et l’autre c’était celui-ci donc on a voulu se lancer là dedans. Après je pense que contrairement à d’autres groupes on a pas de problème à mêler d’autres influences ou genres si c’est l’inspiration du moment. Malgré tout notre idée première c’était de faire un truc lent et noir, donc si tu nous classes dans du post-métal ou du post-hardcore, c’est effectivement que l’un dans l’autre ça doit coller avec le groupes du style. Après Cult Of Luna et Neurosis ne dégagent pas la même énergie pour autant, il y a des “degrés” dans la noirceur.

 

Quel est le passage/morceau de l’EP que vous préférez ?

Le morceau de l’EP qui fait le plus l’unanimité au sein du groupe est probablement « Nihil », même si en live un morceau comme « Painkilling Rage » qui est bien nerveux fait toujours plaisir pour se défouler.

 

Ne trouvez-vous pas dommage que dans le monde de la musique on se contente parfois de prendre une photo du groupe/artiste pour les covers d’album, alors que dans le monde du metal par exemple on est plus enclin à faire un artwork plus graphique et qui créer une sensibilité toute autre autour d’un opus ?

Le but recherché n’est peut-être tout simplement pas le même non plus. Pour faire quelques généralités, et parce que ce sont les premières pochettes qui viennent en tête, des artistes comme M, Garou ou Björk vendent presque une franchise, une entité. Un artiste solo reconnu qui veut vendre un minimum (ou dont le label veut qu’il vende) a sûrement tout intérêt à mettre sa tête sur son disque plutôt qu’une peinture abstraite. Ça permet à ses auditeurs de repérer son disque facilement quand ils passent à Carrefour. Alors que dans un groupe de hardcore, à part quelques frontmen qui font exception, tout le monde s’en fout de la tête que t’as. Après en plus comme tu dis un groupe de métal ou de hardcore qui essaye d’explorer une ambiance, une couleur ou carrément qui veut sortir un concept album va plus avoir envie d’utiliser le support de la pochette pour compléter son tableau.

 

À ce propos, comment avez-vous choisi votre artwork et en quoi prolonge-t-il l’expérience de votre EP ?

En fait on a plus choisi à la base une personne (en l’occurrence Mika de Eryn Non Dae. / Ethersens / Nojia ) qu’une idée précise d’artwork, même si on avait une idée de ce qu’on voulait que la pochette dégage. Mika c’est quelqu’un qu’on connait bien, qui a déjà travaillé indirectement sur des pochettes qu’on apprécie et qui mélange facilement plusieurs supports (photos / peintures …) pour donner vraiment la touche qu’il veut. On lui a donné les morceaux et les textes, on lui a expliqué un peu l’ambiance qu’on attendait et il nous a fourni plusieurs idées. C’est celle-ci qui nous a le plus parlé, elle a un côté assez abstrait, et d’ailleurs même au sein du groupe on n’y voyait pas forcément la même chose, et ça nous a plu.

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Vous sentez vous proche de la scène française ? Regardez-vous un peu autour de vous ?

On est tous assez proches de la scène toulousaine qui est très dynamique et en même temps qui est un microcosme où tous les acteurs (groupes, orgas, public) se connaissent. On a souvent de bons contacts humains et musicaux avec les groupes qui viennent d’ailleurs en France et avec qui on joue, et il y a un paquet de groupes qu’on apprécie sur le territoire. On écoute énormément de groupes français, donc oui on a quand même un regard sur ce qui se passe sur le métal et le hardcore en France en général.

 

Y a-t-il des groupes de la scène toulousaine ou simplement des groupes que vous côtoyez que vous voudriez nous faire découvrir ?

Sur Toulouse oui il y a un paquet de groupes chouettes comme Eryn Non Dae. (l’autre groupe de Mathieu), Dimitree, Nojia, PAL, Selenites, DRAWERS, Plebeian Grandstand, feu Zubrowska et un paquet d’autres …

Petite mention aussi à Appollonia de Bordeaux avec qui nous aurions dû partager une mini-tournée et qu’on a découvert pour l’occasion, et qui font un truc vraiment énorme alors que peu de gens connaissent.

 

Mettre son album en téléchargement « name your price » sur bandcamp c’est presque devenu une coutume aujourd’hui, cela vous semblait-il naturel de le faire ?

Disons qu’on s’est retrouvé avec l’idée d’enregistrer ces 5 titres, et on savait pas trop encore si on allait pouvoir le sortir en version physique ou pas. On s’est dit que pour un premier effort alors que personne ne nous connait et qu’on a limité les frais d’enregistrement, ça pouvait être un bon vecteur pour faire passer la bonne parole. Le fait de sortir une version physique à côté ça permet à ceux qui veulent nous soutenir d’avoir un objet travaillé en plus.

 

Vous avez aussi pressé quelques albums pour ceux qui aiment l’objet – dont moi – mais la tendance revient au vinyle, avec de nombreux labels/disquaires qui se font une joie de distribuer les groupes français (je pense à throatruiner ou musicfearsatan), c’est un support auquel vous avez pensé ? Ou tout du moins qui vous intéresse ?

En fait on était intéressé par les deux, pour des motifs différents. Mais comme on a pas réussi à rassembler une somme assez conséquente auprès de labels, le choix s’est fait de lui-même. En vinyle, 35 minutes de son violent avec une bonne qualité sonore ça veut dire double LP, et les prix étaient presque le double des CDs. Comme on a payé une grosse partie de notre poche en sachant bien que ça serait déjà compliqué de se rembourser, le choix du CD paraissait plus raisonnable. Mais si quelqu’un veut nous aider à sortir un vinyle on est preneurs !

 

Le futur d’Agrion Splendens qu’est-ce que c’est ? Une tournée française ?

Concernant la tournée on aimerait bien, mais c’est pas évident à mettre en place, on a tous des boulots à côté avec des plannings diamétralement opposés et surtout très variables, donc c’est pas évident de trouver à l’avance une période à travailler, d’autant que trouver des dates seuls c’est pas si simple. On a dû annuler une mini-tournée de 3 dates suite à des désistements d’orgas de dernière minute, ça nous a un peu plombé mais on remettra ça dès que possible. En attendant on a déjà commencé à composer d’autres morceaux, on va essayer de décider rapidement ce qu’on va en faire.

 

Je vous laisse le mot de la fin

Merci beaucoup pour cette interview qui a le mérite d’être plus personnalisée que la plupart, et merci pour l’intérêt porté au groupe. On espère voir du monde à nos prochains concerts !

 

 

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