Interview//Sed Non Satiata

- 16/09/13 14:27

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Auteurs de ce qui sera certainement l’un des albums de l’année (au moins pour les albums de groupes français), les Sed Non Satiata ont répondu à plusieurs de nos questions pour résulter finalement à une interview fleuve où l’on parle de leur dernier opus Mappo qui fut fin août notre album du moment, de leur renommée internationale mais également de leur rôle/place dans la scène française. Vous pouvez toujours écouter Mappo sur le bandcamp du groupe.

Avant  d’entamer votre lecture, sachez que le groupe nous a répondu collégialement, mais qu’il y a trois Arnaud chez SNS, et ils ont donc été nommé Arnaud, Arnaud (chant/guitare) et AB pour plus de clarté, ce à quoi nous avons ajouté une subtile différenciation stylistique pour chacun des noms, afin de facilité votre compréhension. Bon voyage.

 

 

 

Vous rentrez tout juste d’une tournée en Amérique si je ne m’abuse, comment est-ce qu’elle s’est passée ?

AB : Très bien. On a un peu galéré avec le van dans désert des Mojaves et malheureusement on a été obligé d’annuler le concert à Phoenix, mais globalement les concerts étaient très chouettes et les paysages de l’Ouest américain sont vraiment magnifiques. Et surtout on a rencontré et tourné avec des gens fantastiques : Carrion Spring et Lee Corey Oswald.

Charles: C’était, comme l’été dernier, une aventure humaine et musicale extraordinaire. Nous avons fait 18 concerts en 19 jours avec deux très bon groupes (Carrion spring et Lee corey Oswald de Portland, OR) qui se sont occupés de tout ou presque et qui sont des personnes adorables et de supers musiciens. Que demander de plus ?

 

Sentez-vous que l’accueil que le public non-francophone fait à vos morceaux est différent de celui qui vous est fait en France ? Eux qui sont habitués à entendre leurs paroles scandées en anglais par la foule peu importe où ils vont, vous chantent-ils les vôtres ?

Charles: L’enthousiasme est le même voire plus important quand on joue aux USA car les gens sont en général surpris de voir un groupe français tourner aux USA, chose qui reste quand même rare pour un petit groupe comme nous. On a vu pas mal de gens venir nous remercier de nous être déplacés jusque dans leur ville. Ils savent aussi que l’occasion de nous voir en live ne se représentera pas 50 fois alors ils se déplacent, parfois de très loin. On a rencontré des kids qui avaient fait 8 heures de voiture pour venir à notre concert et rafler la moitié de notre merch. Ça c’est l’enthousiasme des américains !

Je ne pense pas que le fait qu’on chante en français soit un obstacle non plus. Au contraire, ils trouvent ça exotique vu que 98 % de ce style de musique est en anglais. En tout cas, de ce que nous avons pu voir, le public est réceptif à notre musique bien qu’il ne comprenne rien à ce qu’on chante. Le chant crié présente cette qualité qu’il est libérateur, spontané et communicatif. On a tous un jour crié dans un micro en faisant du yaourt…

Arnaud : Finalement ce qui se passe avec les anglophones et notre musique correspond à ce que la plupart des personnes vivent en France en écoutant les groupes anglophones : ne rien comprendre aux paroles et considérer le chant comme un nouvel instrument.

 

Il y a peu vous avez sorti votre troisième album, quatre ans après votre s/t, comment vous êtes vous occupés ce laps de temps ?

Charles: Il y aurait beaucoup à dire… Brièvement, j’ai déménagé à Montréal pour le travail début 2010 puis à Chicago en 2012 et me revoilà à Montréal depuis fin 2012. Il y a eu beaucoup de belles rencontres, de nouveaux projets musicaux, la tournée sur la côte Est des USA avec Sed et bien sûr la composition de l’album.

Arnaud : Pendant ce temps j’ai déménagé à Paris, où j’ai commencé un groupe avec des ex-toulousains et un parisien (excellent sérigraphe par ailleurs, Arrache-toi un œil), Abject Object. Un LP est sorti il y a peu sur Echocanyon rds, c’est bien plus punk-rock / post-punk que Sed Non Satiata.

Arnaud (guitare/chant): On est tous pas mal pris dans divers projets, au final je crois que personne a vu passer ces années… Un nouveau groupe, une évolution professionnelle, un déménagement et hop on était là à recomposer pour Sed.

 

J’ai fait quelques recherches assez superficielles sur la signification du titre, Mappo, mais j’aimerai que vous m’expliquiez plus précisément ce que cela représente pour vous.

AB : Disons que l’on peut voir le temps que nous vivons comme une fin de cycle. Enfin, un peu tous les jours, ces pertes de repères, ce truc de se dire que tout va de mal en pis, ou tout au moins que tout ne peut pas continuer ainsi. La vie est un cycle.

Charles: Mappo est un terme emprunté au bouddhisme japonais. Bien que j’aie lu quelques livres sur le bouddhisme quand j’étais plus jeune, je ne m’y intéresse pas spécialement. A l’époque où j’ai eu l’idée de ce titre je lisais des livres de Yukio Mishima, ses essais sur le Hagakure je crois. Il y décrivait le Mappo comme une période de marasme, où plus rien ne fonctionne correctement, où les éléments se déchainent, les hommes ne parviennent plus à vivre en paix, une perte d’harmonie en quelque sorte. Ce terme me paraissait assez bien décrire la période que nous traversions. C’était fin 2010-début 2011, la crise économique battait son plein entrainant l’émergence de pensées nationalistes un peu partout en Europe, le tsunami venait de ravager une bonne partie du Japon et de détruire la centrale nucléaire avec les conséquences que l’on connaît, le conflit en Syrie témoignait des pires atrocités dont les hommes sont capables, DSK venait de se faire accuser de viol (rires !)… Bref, l’actualité était bien chargée. D’un point de vue personnel c’était aussi une période de crise, de remise en question, le cap de la trentaine et l’isolement ne m’ayant pas épargné de son lot de remises en question. Ce titre m’est donc apparu comme une évidence. J’avais l’impression en lisant les lignes de Mishima qu’il décrivait la période dans laquelle nous nous trouvions.

 

Comme c’est un terme bouddhiste, doit-on en conclure que vous êtes adeptes de cette philosophie de vie ?

AB : Pas spécialement, mais pourquoi pas. Je n’ai pas de philosophie de vie « externe » comme ça, « clé en main », mais malgré tout le bouddhisme a beaucoup à nous apprendre, même s’il y a plusieurs façon de l’envisager et de le pratiquer

Charles: Absolument pas. Comme je le disais, je me suis intéressé au bouddhisme étant plus jeune mais rien de plus. En fait, je suis venu à m’y intéresser surtout par le biais de groupes comme les Beasty Boys et pas mal de groupes de hardcore de l’époque qui dénonçaient l’oppression du gouvernement chinois sur le peuple tibétain. J’ai donc lu comme pas mal d’ados des bouquins sur le Tibet et par voie de conséquence sur le bouddhisme mais rien de plus. A aucun moment je n’ai pensé devenir bouddhiste ou quoi que ce soit. Non, je suis chrétien jusqu’à l’os !

 

J’ai fait dans la chronique de l’album un parallélisme entre le fait qu’il s’agisse de votre troisième LP et que Mappo signifie entre autre la fin d’un troisième cycle. Est-ce que cela veut dire que c’est la fin de l’expérience Sed Non Satiata ? Que c’est la fin d’un cycle interne à votre discographie débuté avec Le Ciel de Notre Enfance ? Ou est-ce que cela n’a rien à voir ?

AB : Le groupe vit plutôt un nouveau cycle, après une période de latence, dans la mesure où moi et Simon sommes arrivés il y a peu dans celui-ci. Je crois aussi que maintenant nous prenons les choses comme elles viennent, avac plaisir, sans faire de plans sur la comète. On ne peut pas dire où nous en serons dans 1, 3, 5 ou 10 ans…

Charles: Non, rien à voir. On n’est pas aussi vicieux (rires) ! On ne sait pas quand l’aventure Sed Non Satiata s’arrêtera. On ne calcule rien. Tant qu’on aura envie de composer des chansons ensemble et qu’on aura la possibilité de partir en tournée (qui sont aussi nos vacances) ensemble, on le fera. Quand j’ai déménagé au Canada il y a plus de trois ans on n’a parlé de splitter à aucun moment. Nous n’avons pas exclu la possibilité de recomposer des morceaux et de rejouer ensemble. C’est juste que nous avions chacun à ce moment là des impératifs et d’autres priorités. Dès que l’envie et la possibilité de rejouer ensemble se sont présentées, nous avons foncé. Et il en sera de même dans les années qui viennent. Nous sommes tous de très bons amis qui désormais vivent loin les uns des autres, alors partir en tournée est aussi un moyen de se retrouver et de passer des vacances ensemble. Et ce sont les meilleures vacances qui soient !

Arnaud (guitare/chant): J’espère pour le groupe que « mappo » marque la fin d’un cycle oui… à chaque fois que nous recomposons nous aspirons toujours à quelque chose de nouveau, donc en ces termes oui… c’est jamais évident de se relancer dans la composition, donner une couleur précise à un ensemble de morceaux, on discute beaucoup de ça. Tant qu’on aura l’impression d’y mettre du neuf, notre patte, et que surtout on arrivera à mettre ça en commun, le groupe existera je pense.

 

Lyriquement parlant, quelle est l’histoire de l’album ? Que raconte-il ?

Charles: Il raconte cette période de crise, de confusion, de trouble que le terme Mappo recouvre, mais sur un plan plus personnel. Tous les morceaux abordent des thèmes, des émotions ou sentiments différents. Il n’y avait pas l’intention de raconter une histoire mais des histoires, collant néanmoins avec le titre de l’album. Je ne devrais même pas dire histoire puisque ce n’est pas vraiment ce dont il s’agit. Je vois plutôt ces textes comme des fresques dépeignant des émotions, des états psychiques, des visions, un peu à l’image de la musique. La musique ne raconte pas d’histoire mais décrit et communique les émotions particulières qui lui ont donné vie. C’est la même chose pour ces textes. Je ne décide pas d’aborder un thème avant d’écrire, ni même du moment et du lieu où je vais écrire. Ça s’impose à moi en quelque sorte. Les textes reflètent des émotions, des images ou des visions qui m’habitent. Sur un plan plus symbolique, et c’est probablement le plus important pour moi, cet album raconte sa propre histoire. Celle du travail de composition à distance, des prises de têtes, des 100 différentes versions pour chaque morceau, des 2000 emails échangés pour se mettre d’accord sur le mix etc. Il symbolise l’aboutissement de tout ça et la volonté dont nous avons fait preuve pour arriver à pondre cet album. C’est une belle preuve d’amour. Un peu comme un couple qui réalise qu’il ne peut pas vivre séparé et se remet donc ensemble (putain c’est émo ça non ?). Et cet album est une trace de notre aventure musicale et humaine ensemble, entre potes. Plus que par le passé, je suis vraiment heureux d’avoir laissé cette trace, peu importe sa qualité artistique ou musicale. Voilà ce qu’il raconte pour moi…

 

L’adéquation entre le ton relativement triste des paroles et l’émotion dégagée par la voix est saisissante, doit-on se mettre dans un état émotionnel particulier pour chanter ce genre de choses ?

Charles: C’est vrai que le ton des textes est plutôt sombre, peut-être plus que la musique. Ce n’est pas volontaire. La raison en est que je ne ressens pas l’envie ni le besoin d’écrire ou de jouer de la guitare quand je vais bien. C’est toujours dans les moments de déprime, de fatigue nerveuse ou physique, quand la sensibilité est à fleur de peau, que les mots et les notes raisonnent le plus en moi et ont une saveur aigre-douce bien particulière.

Arnaud (guitare/chant): C’est tellement agréable de chanter dans sa langue maternelle et de pouvoir vivre à 100% ce que tu as dans le bide. Tu n’as pas à réfléchir à la bonne élocution ou prononciation d’un texte écrit dans une langue que tu ne maîtrises pas. J’ai vraiment beaucoup de plaisir à chanter/hurler nos textes, chacun à, pour moi, une saveur particulière et rend chaque morceau unique. Si demain je devais juste jouer de la guitare dans sns, je me sentirais vraiment lésé…

 

Si vous ne deviez plus avoir qu’un seul type de voix dans Sed Non Satiata, vous choisiriez le cri ou le chant ?

AB : Le chant.

Arnaud (guitare/chant): Merci AB! (rires)

AB : Mais l’opposition, le contraste entre les deux est intéressant.

Charles: La question ne se pose pas en ces termes pour moi. Le chant crié est une technique de chant à part entière qui est adaptée à certains morceaux ou passages alors qu’un chant mélodique s’impose sur d’autres. Le chant crié permet d’exprimer et de communiquer des émotions bien particulières. Il y a aussi dans l’acte de crier quelque chose de libérateur. C’est quelque chose d’instinctif, on cri généralement quand on vit une émotion forte comme la colère ou la peur. C’est donc pour moi tout à fait naturel d’avoir recours au chant crié sur la musique que l’on joue, que l’on veut chargée émotionnellement. Mais j’admets que parfois le chant crié représente un piège, une solution de facilité où le cri peut devenir systématique. Quand c’est le cas, ça s’entend et le résultat est mauvais. Pour ce qui est du chant mélodique, comme je le disais, il s’impose à d’autres morceaux ou passages. Quand je compose une partie de guitare, une mélodie de chant me vient parfois spontanément et les deux parties deviennent alors indissociables. Mais la plupart du temps c’est quand même des chants criés qui conviennent le mieux à ce que je veux exprimer à travers la musique. Et Arnaud s’en charge à merveille.

 

Chaque titre de morceau a une aura bien particulière, et ils sont plus diversifiés (français / anglais / allemand, nom propre / vers) que sur vos précédentes sorties. Qu’est-ce qui vous a mené vers ces choix ?

Charles: Certains titres ne sont pas directement en liens avec les textes, ces morceaux ayant été nommés avant que les textes ne soient écrits. Ils ont été choisis parce qu’ils évoquent des images ou des ambiances similaires à la musique. D’autres titres sont en revanche liés aux textes comme Extrospection, Nemesis et Entropia. Les titres sont volontairement courts, ce qui les rend à mon sens plus suggestifs. Ça rend possible une diversité d’interprétation et stimule l’imaginaire. Des mots comme Soma, Entropia ou Sehnsucht sont par exemple extrêmement chargés et évoquent probablement des choses différentes pour chacun d’entre nous. Le choix de la langue est une question de sonorité.

 

Des pistes comme « San Andrea » qui sont majoritairement instrumentales, sont-elles une nécessité pour vous ?

AB : Je ne parlerais pas de nécessité, mais parfois la musique se suffit à elle-même.

Charles: On ne calcule pas vraiment. On ne se dit pas qu’on va faire un morceau instrumental, sombre, triste ou autre. On essaie juste de faire quelque chose de cohérent et qui nous plaît.

 

Quel est le morceau que vous préférez sur cet album d’abord, et dans toute votre discographie ensuite ?

AB : Sur cet album, je dirais “Vague à l’âme”.

Charles: Difficile à dire. Ça dépend des jours, de mes humeurs. Je n’écoute que très peu nos morceaux une fois en boîte. On les écoute tellement pour le mix et le mastering que je sature un peu. Je m’y replongerai dans quelques mois.

Arnaud (guitare/chant): Sur cet album, je prends plus de plaisir à chanter/jouer certains morceaux, comme « Nemesis » par exemple. Le plus drôle c’est que, de manière générale, je ne pense pas que ce soit les meilleurs ou les plus aboutis. Des fois tu prends des risques, et ça rend les choses difficiles en terme d’interprétation… je pense pour cet album à « Vague à l’âme« , on l’a composé, joué, mais c’était un des derniers morceaux auquel je me suis attaqué en terme de chant et pour cause… tout les matins en allant bosser j’avais ces lignes en têtes, les fredonnais timidement dans la rue, j’avais des idées de chant crié mais elles disparaissaient rapidement pour laisser place à un chant mélodique. C’était assez instinctif, et ce vécu là m’a marqué. Vraiment, tous les matins ça revenait, j’ai des souvenirs précis des rues, de mon trajet, des couleurs, des gens, d’images liées à ce texte, et au final… je n’y voyais que du chant mélodique. J’adore ce morceau, et là oui, je me dis qu’on a bien fait de prendre ce virage dans l’écriture. Sinon j’adore l’énergie de morceaux antérieurs comme « Moi le premier » et « Les hommes sans visage« , surtout en live…

Arnaud : Sur ce disque je pense que c’est « Vague a l’âme », non pas parce que je pense qu’il soit le meilleur, simplement j’aime son format concis, sa relative simplicité, ainsi que le côté très spontané de son écriture.

 

Mon pêché mignon est « Entropia », pouvez-vous nous expliquez un peu tout ce qui entoure ce morceau ?

Charles: Je l’aime aussi beaucoup. Il a une saveur particulière pour moi parce que c’est le premier morceau que j’ai composé à Montréal et aussi le premier morceau que j’ai envoyé aux autres en leur demandant si ça les bottait de travailler dessus. C’est pour moi le morceau qui résume le mieux l’album et la période à laquelle il a été écrit.

Le texte n’a été posé dessus que plus tard. C’est assez étonnant d’ailleurs car la musique de ce morceau évoque des choses plutôt positives alors que le texte est plutôt sombre. Brièvement, il parle des déceptions qui s’accumulent avec le temps, de la perte de certaines valeurs lorsqu’on vieillit, de l’égoïsme profondément ancré en chacun de nous qui apparaît au grand jour lors de situations de crises, de la quête inespérée et ininterrompue du bonheur. Comme si en vieillissant on saisissait à quel point le temps nous échappe, que la vie est courte et que malheureusement il n’y a pas de période d’essai. Einmal ist keinmal pour reprendre les mots de Kundera. Alors on fait tout pour accéder à ce bonheur tant espéré ou ne pas rater le coche, quitte à ce que tout ça finisse dans un bain sang (ndr : ce sont les dernières paroles du morceau).

 

L’album a été fait dans des lieux plutôt éloignés (Paris, Toulouse, Chicago, Montreal), expliquez nous comment vous en êtes arrivés à ce processus.

Charles: Comme je le disais plus haut, j’ai déménagé à Montréal en 2010 juste après l’enregistrement du s/t. Arnaud (batteur) et Lionel (notre précédent bassiste) avaient déjà quitté Toulouse, le premier pour Paris et le second pour Avignon. Nous avons donc enregistré le s/t alors que nous étions déjà séparés géographiquement. Si je me souviens bien le seul morceau que nous avions déjà joué ensemble avant l’enregistrement était Ósögð orð. Nous avions composé les autres morceaux à distance et ne les avons joué ensemble que lors de l’enregistrement. Donc quand je suis parti, bien que les conditions pour continuer le groupe n’étaient pas optimales, nous n’avons pas décidé de nous arrêter car nous savions que nous étions capable d’écrire des morceaux à distance. Bref, j’ai continué à composer des morceaux à Montréal et un an après je leur ai demandé s’ils étaient motivés pour travailler sur un album. Ils ont dit Ok alors on s’est lancé dans l’aventure. J’ai ensuite bougé à Chicago et rencontré Grégoire qui bosse avec Steve Albini à Electrical Audio. C’est la raison pour laquelle nous avons enregistré là-bas.

 

Je trouve que l’artwork fonctionne assez bien avec l’ambiance dégagée par les morceaux, mais j’ai du mal à saisir ce qu’il représente concrètement. Qu’est-il ?

Arnaud : Je n’ai absolument aucune idée de ce qu’il représente réellement, et je doute qu’il représente quelque chose de concret. Ceci étant dit au moment où l’on a reçu les essais de Pierre Escafit, je l’ai trouvé à la fois marquant et porteur de libres et multiples interprétations. Ça m’a paru parfait. Je suis d’ailleurs très content du résultat final.

Arnaud (guitare/chant): Non, ce n’est rien de concret, mais cette tâche centrale nous a de suite séduit… Au final, elle reprend un peu le principe du test d’Hermann Rorschach, la tâche centrale laisse libre cours à l’imagination visuelle, la libre interprétation. Le concept collait complètement avec ce que nous voulions communiquer à travers notre musique et particulièrement cet album. L’émotion est personnelle, unique, et nous voulions que cet artwork parle à tout le monde, à sa façon.

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Vous avez également été invités en début d’année sur la compilation hommage à Orchid de Dog Knights Production, comment est-ce que cela s’est passé ?

Arnaud : Je n’ai pas suivi l’affaire en détail mais il me semble qu’on a été contacté sur le tard pour ce Tribute. De nombreux groupes avaient déjà choisi leur reprise, mais personne ne s’attaquait à l’énorme break-down de None more black. Cette mosh-part est tellement incroyable que ça nous a tous motivé. On a essayé de faire une version un peu personnelle en se laissant la liberté de modifier le morceau. Et comme la chanson est suivie sur le disque d’une plage ambiante, on s’est dit qu’on pouvait tenter de la reprendre aussi. On a enregistré None more black en quelques heures à Toulouse et Reinventing Martin Rev s’est faite à distance entre Paris, Chicago et Toulouse. Sur la tournée US de cet été, à chaque fois qu’on a joué cette reprise ça a été la guerre ! On voit mieux à quel point Orchid est culte chez certains kids ricains.

Arnaud (guitare/chant): Oui Darren qui tient le label DOG KNIGHTS PRODUCTIONS nous écrit à ce sujet et comme dit Arnaud on a été emballé de suite… on écoute tous Orchid depuis des lustres et surtout on a découvert ce groupe ensemble. En tout cas Darren a fait un super boulot, c’est un gars vraiment passionné par ce qu’il fait, nous le remercions.

 

Entre les tournées américaines, les apparitions sur les compil hommages aux groupes US et les prods de votre album effectuées en partie à Chicago, vous allez finir par avoir plus d’amis anglophone que français non ?

AB : Nous avons rencontré des gens fantastiques aux Etats-Unis, que ce soit les Big Kids, Carrion Spring, Lee Corey Oswald, les organisateurs de concerts, le public, les gens d’Electrical Audio, etc. C’est une chance d’avoir cette possibilité de voir autre chose.

Charles: Haha. C’est déjà le cas je pense. Il faudrait faire le compte mais je pense qu’on a fait plus de concerts aux USA qu’en France. Et le seul groupe français avec qui nous ayons tourné est Daïtro. Donc en y réfléchissant, oui effectivement, on a plus de potes aux USA qu’en France.

 

Vous avez fait quelques splits par le passé avec des groupes dorénavant disparus, est-ce qu’il y a dans la nouvelle génération des groupes avec qui vous auriez envie de refaire ce genre d’expériences ?

Arnaud : Honnêtement je ne crois pas que l’on se sente spécialement proches de groupes actuels en terme de musique, mais des expériences humaines comme les tournées donnent forcément envie de partager des disques avec des groupes actuels. Avec un peu de recul c’est ce qui s’est passé avec Daïtro : le split a été le fruit d’une vraie amitié (qui tient toujours) née lors de tournées communes.

 

En parlant de « nouvelle génération », on a récemment interviewé le groupe toulousain Agrion Splendens, qui nous ont donné une bonne flopée de groupes de la région de Toulouse à écouter. Je ne sais pas si vous résidez encore là bas mais vous vous intéressez toujours à ce qui s’y passe en terme de musique ? Plus qu’ailleurs j’entends.

Arnaud : Je n’habite plus Toulouse mais j’essaye d’aller voir les groupes toulousains quand ils passent à Paris. Il y a un bon moment maintenant j’avais eu l’occasion de voir I Pilot Deamon et Selenites qui m’avaient bien mis sur le cul. Mais c’est déjà des groupes « anciens ».

Arnaud (chant/guitare): Oui, Toulouse regorge de gens talentueux et passionnés, il y a de bons groupes, je pense aux Drawers, Selenites, et d’autres… et puis comme souvent dans les milieux artistiques, les personnes officiant dans des groupes ont généralement d’autres activités annexes qui viennent pimenter tout ça. Je pense par exemple au Label K7 BLWBCK qui a de supers sorties, régulières, mais aussi au gré des envies et rencontres… on se rejoint à la maison pour plier et mettre les K7 en boîte, on fait de beaux artworks, pas de gros chiffre, une centaine d’exemplaire qui s’écoule toujours super bien et pour cause, l’artwork est beau, c’est pas cher, l’objet est chouette. Je pense aussi aux copains de l’atelier deux-mille qui font un super boulot en terme de sérigraphie. On n’a pas à se plaindre, Toulouse est une ville jeune, dynamique, et culturelle.

 

Lors du dernier record store day où les stocks vinyles de quelques perles avaient été renfloués pour l’occasion, j’ai pu remarqué que vos anciens albums étaient parmi les premiers à être out of stock (ce qui fait que je n’ai pas pu m’en procurer un), c’est quelque chose qui vous rend fier de savoir que vos anciennes productions soient traités comme des classiques ?

Charles: C’est toujours agréable de voir que les disques se vendent, premièrement pour les labels qui nous ont soutenus et deuxièmement parce que ça flatte l’égo (rires). Je ne suis pas collectionneur dans l’âme donc il y a peut-être quelque chose qui m’échappe mais j’avoue que toute la spéculation qui entoure la vente des disques qui sont à édition limitée m’exaspère un peu. De voir un de nos disques à 90 euros sur ebay ne me réjouit pas vraiment, ni ne me flatte.

Arnaud (guitare/chant): Oui je comprends tout à fait ce point de vue et le partage… Après j’aime les disques, j’aime en acheter, et je suis toujours heureux quand je sais qu’un de nos disques est sold out, mais au final je crois que ce qui me rend le plus heureux est de savoir qu’on va faire un nouvel artwork pour le re-pressage!! On a la chance d’avoir des gens autour de nous comme Julien et Gwen d’Echocanyon qui ont toujours du supers idées en terme d’artwork et qui nous aident beaucoup, pour tout.

 

Avez-vous prévu une tournée française/européenne pour promouvoir Mappo ?

Charles : Ça serait super. On va en discuter.

Arnaud : On a quelques propositions pour faire des choses en France et en Europe mais entre nos lieux de vie éloignés et nos occupations respectives, c’est toujours très compliqué à mettre en place, mais je crois que tourner en Europe nous manque.

Arnaud (guitare/chant): Oui l’Europe nous manque, c’est unanime. Je suis très excité à l’idée de rejouer Mappo en tournée…

 

Si cet album était une bande originale de film, lequel serait-il ?

Charles: C’est difficile comme question. Kickboxing ou Bloodsport avec Jean-Claude Van Damme, en souvenir des dimanches soirs moisis lorsqu’on vivait en coloc à Toulouse ;) Ou peut-être un Chuck Norris…

 

Je vous laisse le mot de la fin.

AB : Merci

Charles: Merci de nous avoir donné la parole. C’est juste la deuxième interview en français en quasiment 10 ans d’existence.

Arnaud (guitare/chant): Merci à toi, et désolé pour les références cinématographiques… (rires)

Arnaud: Merci de l’intérêt que tu nous portes.

 

 

 

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