Interview//Le Dead Projet
-17/11/13 15:22
Si vous avez lu notre live report du dernier concert du Dead Projet (ici) vous savez que l’on aurait dû interviewer les jeunes gens pour faire une petite rétrospective de la vie du groupe. Grâce à la magie d’internet voici finalement cette interview.
C’est votre dernier concert, finir en première partie de Raein c’est plutôt une satisfaction non ?
Flow (guitare) : On avait déjà joué avec eux, il y a deux ans, mais on voulait qu’ils reviennent pour cet ultime show. J’adore leur musique personnellement et les mecs sont super gentils et un vrai groupe LIVE. Ils existent depuis longtemps comme nous .
Morne (basse/cris) : Et en plus ils nous avaient rendu la pareille, en venant nous voir en tournée en Italie.
Flow : Ce dernier concert a été parfait en terme d’organisation, de groupes et de public. On a tout organisé nous-mêmes avec l’aide des gens de la Gare XP, ou Morne a son atelier, et cette approche DIY me tient à coeur. On voulait aussi avoir des groupes comme Valve et The Prestige à bord ce soir là car ce sont des amis et des groupes qu’on apprécie sur Paris.
Vous avez déjà annoncé votre split auparavant, qu’est-ce qui vous fait dire que celle là c’est la bonne ?
C’est toujours difficile de se dire que c’est la dernière, mais ça devenait trop compliqué pour beaucoup de raisons. On a vécu tellement de moments forts en 10 ans d’existence. Depuis la sortie de l’album Keep on Living, on a senti une cohésion entre nous au niveau des compos et du live. Ces deux dernières années ont été fabuleuses pour le groupe, en terme de concerts et de rapport au public. Le fait d’avoir marqué le coup par ce dernier concert nous laissera des images gravées à jamais, c’est évident. Surtout que tous les amis et les gens qui s’étaient déplacés ce soir là nous avaient préparé pas mal de surprises.
Prévoir sa dernière date autant de temps à l’avance c’est un peu risqué non ? Quand vous voyez autant de gens montrer une telle ferveur à votre égard ça ne vous donne pas envie de continuer ?
Flow : Si, bien sûr, mais en même temps, on est arrivé à un point où ce n’était plus possible. J’avais personnellement des projets d’aller à l’étranger et cela a précipité notre décision, et le fait que notre batteur fasse l’aller retour avec la Bretagne à chaque répétition. La ferveur et l’optimisme des gens nous touche. Tellement que le groupe en restera pour toujours redevable.
Morne : Oui c’est sur que l’envie est toujours présente, mais en même temps nous sommes, Ludovic, Flow et moi, amis depuis 1999, et on a quasiment tout commencé ensemble. Les premiers groupes, les premières orgas de concerts, et du coup peut-être est-ce aussi le moment venu pour chacun de faire son propre chemin.
Le Dead Projet aura duré dix ans, un bilan à chaud de cette expérience ?
Flow : Les six derniers mois ont été décisifs. On aurait pu encore changer le line-up mais on ne l’a pas fait. C’est très manichéen un groupe, beaucoup de sentiments se font face: transe/tristesse, gratitude/déception, création/point mort, amour/engueulade. Des émotions que tu peux vivre toute ta vie mais qui sont rassemblées en 10 ans, avec tes meilleurs amis. On voudrait particulièrement remercier nos deux anciens batteurs (Amaury et Dany) et notre ancien chanteur (Jérôme) sans qui tout cela n’aurait pu arriver…
Y a-t-il certaines choses que vous auriez aimez ne pas faire ou faire différemment ? Avez-vous plus globalement des regrets sur la manière dont les choses se sont déroulées ?
Flow : On fait des erreurs mais ressasser les regrets ne fait avancer personne. Il y a forcément certaines décisions qu’on aurait pu prendre plus vites, mais l’évolution du groupe a été telle qu’on l’espérait, en terme de compos et de concerts. L’arrivée de Boris à la batterie il y a 2 ans, a beaucoup redynamisé le groupe en terme de live et de feeling. On ne le remerciera jamais assez d’avoir fait partie de l’aventure avec nous jusqu’à la fin.
Morne : Oui c’est clair, Boris ça a été une rencontre magique, presque sortie de nulle part: rencontrer un batteur prêt à faire des aller-retours Rennes-Paris pendant deux ans pour jouer dans ton groupe, ça te montre juste l’investissement et la valeur de l’homme.
Ludo (guitare) : je pense que l’arrivée de Dany pour la composition de l’album Keep On Living a été providentielle pour nous, ils nous a beaucoup aidé à la réalisation de cette oeuvre musicale. Je suis déçu qu’on n’ait pas pu produire nos derniers morceaux avec Boris (batterie). Mais la mort annoncée du groupe nous a tous plongé dans une inertie négative. Dommage.
Le meilleur concert du Dead Projet c’était où quand et avec qui ?
Flow : On a eu des super concerts mais le dernier était quand même LA cerise sur le gâteau. Tous les gens étaient déchaînés, ça pogotait, les cotillons et les corps volaient, les gens chantaient et on voyait toutes les têtes de nos amis qui étaient là extatiques, on ne pouvait rêver mieux. Quel joyeux foutoir! Le dernier concert de notre tournée avec THE RODEO IDIOT ENGINE au Rigoletto était aussi assez mythique…
Morne : Pour moi , pas forcement le meilleur, mais un des plus surprenant était en Espagne à 20 bornes au sud de Santander, dans des collines boisées perdues dans les terres. On a joué dans l’ ancien entrepôt d’une mine laissé en auto-gestion à des jeunes de la région, plus paumé comme endroit tu meurs. Et en fait pas du tout, la soirée a rameuté un peu plus de 100 personnes et on a vraiment sentit le kif des gens sur notre son. Pour une fois, on s’était fait dévalisé le merch après notre concert (rires)
Et le pire ?
Flow : Il y en a eu aussi au début comme par la suite. Je me souviens particulièrement d’un concert qu’on nous avait proposé chez un musicien qui ouvrait un nouveau lieu en banlieue parisienne. On nous avait dit de ne pas prendre notre matos et qu’il avait tout sur place (ça nous inquiétait un peu). Le lieu ressemblait à une salle de mariage avec des tables en rond, les gens étaient assis. L’ambiance était digne d’un film de Lynch: des freaks, le patron de la salle qui nous présentait son matos avec un micro HF tel un présentateur TV. On a quand même joué et écourté notre set, qui ne nous motivait pas du tout…On a d’autres fours sur la route aussi, mais ça fait partie de l’aventure.
Morne : Pas mieux hahahhaha… Si pour le souvenir, notre premier concert en province à Lille, les flics ont débarqué à la fin de notre 3eme titre, et on s’est arrêté de jouer à la fin du 4eme sur demande du patron du bar. YOU LOSE …TRY AGAIN !
Ludo : Oui, nos concerts à Lille n’étaient pas les meilleurs surtout après un abus de bières belges!
Le meilleur groupe avec qui vous avez tourné ?
Flow : On a joué avec pas mal de groupes, mais THE RODEO IDIOT ENGINE resteront nos frères à jamais: tous les soirs quelle violence musicale partagée de sentiments d’amitié forte. On ne pourra jamais oublier ces dix jours passées avec eux. Leur musique ne fait qu’exceller et leur dernier album est juste ENORME!
Morne : Oui surtout que c’est une vraie amitié de groupe, qui a commencé un an auparavant lors de nos premières tournées européennes respectives. On a eu la chance de partager deux concerts avec eux en Tchéquie et dès les premiers instants, c’est comme si on se connaissait depuis toujours, et le premier after avec eux….. je te laisse imaginer le carnage !
Et la pire tournée que vous ayez faite ?
Flow : Les tournées du début n’étaient pas très gratifiantes mais on s’éclatait comme n’importe quel groupe commençant et ayant la chance de pouvoir jouer à droite et à gauche.
Morne : Oui, plus que tout, dans Le Dead Projet, c’est de « faire les choses » qui nous importait, donc le seul fait d’être sur la route avec tes frangins, et de pouvoir jouer chaque soir, c’était pour nous une chance.
Dans quel pays avez-vous reçu le meilleur accueil ?
Flow : On a toujours joué en Europe et on n’a jamais traversé l’Océan, ni la Manche… En tournée, des concerts en Tchéquie, en Allemagne, Italie ou Espagne ont été complètement fous. Des gens adorables, qui aiment ce qu’ils font. On n’a pas de préférence, mais juste des personnes géniales qui savent comment y faire pour organiser un concert et faire plaisir aux autres. Entre autres, un tchèque complètement allumé qui nous avait organisé un concert de fou avec les gens de sa ville, des espagnols qui nous préparent de la paella sur place dans une sorte de grange qui avait un son de fou, un squat a Bologne où on a joué à 2h30 du matin…
Le meilleur morceau que vous avez enregistré ?
Flow : Je ne sais pas si on a vraiment un morceau fétiche, mais plutôt ce dernier album dont on est très content. Certains titres sont plus jouissifs que d’autres sur scène, comme le titre éponyme de l’album.
Morne : Pareil, je les aime toutes, mais ce qui m’a surpris c’est l’impact du duo de chansons « The Beauty and the Beast », on ne se doutait pas que mettre nos voix grunge hooligans, allait être aussi souvent repris en coeur lors de nos concerts.
Ludo : « The Beauty » & « The Beast » marchent énormément sur scène dans notre jeu et dans le partage.
La meilleure décision que vous ayez prise en tant que groupe ?
Flow : Le plus difficile a été ce moment charnière où on a changé le line-up il y a 3 ans…En effet, le fait de devoir tout changer et de tout recommencer nous inquiétait beaucoup. De plus les deux personnes qui partaient font partie de nos meilleurs amis. Nous avons changé notre façon de penser et de composer, mais malgré ces difficultés, c’était la meilleure chose à faire.
Morne : Oui c’est vrai, pour ma part quand j’ai repris la voix tout en restant bassiste, après plus de 6 ans sans avoir crié, ça m’a fait flipper. Mais au final ça m’a encore plus motivé à croire dans ce que l’on faisait, et de me donner la chance de ré-écrire des textes.
Qu’allez-vous faire des morceaux que vous jouez en live mais qui n’ont pas été enregistré en studio ?
Flow : Rien. En effet, le groupe s’arrête et on n’a pas vraiment d’argent pour enregistrer cela proprement. C’est un peu dommage parce qu’on les aime vraiment beaucoup et qu’elles correspondent à nos compos avec Boris, le dernier batteur. Elles resteront en nous…
Parlez-nous un peu de vos projets futurs, il me semble que certains d’entre vous jouent dans ATELO/Phobia ?
Flow : Je commence ATELO/phobia avec des amis et j’en suis très content, car les compos vont être super! J’ai aussi un projet solo, MILES OLIVER, qui me tient très à coeur. Ludo (guitare) joue de la basse depuis un an avec REIGN, qui comprend aussi l’ancien batteur du DEAD PROJET et le nouveau guitariste de VALVE.. Il projette aussi avec ce dernier, de monter un groupe à la guitare. Boris (batterie) joue toujours dans plein de formations dont AERIS, son projet principal qui vient de sortir son nouvel album.
Morne : De mon coté je remonte un groupe qui se nommera NO PLACE LIKE ROAD. J’ ai rencontré un batteur avec qui ça le fait dur, et on bosse sur un stock de chansons que j’ai de coté depuis quasi deux ans pour certaines. On va bientôt se mettre en recherche d’un ou deux guitariste(s), et on espère être prêt pour des concerts d’ici fin-Janvier, début Février.
Pour vous la relève de la scène française, c’est qui ?
Flow : Ouaaaaah, la scène française est très riche: des groupes comme SELENITES, THE RODEO IDIOT ENGINE, ANORAK, MORT MORT MORT, SUGARTOWN CABARET, CELESTE , YEAR OF NO LIGHT, THE BRUTAL DECEIVER, AS WE DRAW, JEAN JEAN, MAN IS NOT A BIRD sont des groupes existant depuis longtemps mais qui méritent autant de reconnaissance que des groupes étrangers. Le fait d’avoir aussi toutes ces scènes noise/post hxc/post rock/grind/black en France montre à quel point les groupes bougent encore, et c’est rassurant, même si on manque cruellement de lieux appropriés.
Morne : En France récemment j’ai adoré tous les groupes précédemment cités bien évidemment, mais je sens vraiment qu’il y un truc sous l’Iceberg qui est en train de grossir avec des groupes bien moins connus comme ALESKA de Metz, ANNA SAGE- THE PRESTIGE- REMOTE- VALVE ou encore BEN NASR EL GHANDOUR à Paris, ERRATA de Lille, ou encore I PILOT DAEMON et DRAWERS de Toulouse.
Et je te rajouterai qu’avoir la chance de tourner m’a aussi rendu curieux de ce qui se passe en Europe avec des groupes comme CHAMBERS en Italie, INTERLUDE en Espagne, JUNGBLUTH en Allemagne et ? (prononcé « Eight ») de Finlande, avec leur dernier album Näyt Kauas.
Ce qui me rend heureux dans tout ça c’est qu’après une bonne grosse quinzaine d’années, les scènes françaises et européennes post hxc-screamo-metal-crust-etc….. sont toujours aussi actives, avec aujourd’hui leur propre histoire musicale.
Quels conseils donneriez vous aux groupes qui débutent pour réussir ?
Ah je ne sais pas si on est bien placé pour donner des conseils, mais le plus important c’est de faire ce qu’il te plaît à la base et de se donner à 300 % pour avancer. Être patient et ne pas rester dans son coin et d’aider les autres autant qu’ils peuvent t’aider.
Enfin le Dead Projet n’a jamais aussi bien porté son nom, comment aimeriez vous clore ce chapitre de vos vies ?
Le dernier show était la meilleure fin possible…rien n’est fini, chacun a ses projets personnels et nous ne pouvons pas arrêter de faire de la musique, c’est sûr. Merci a vous pour cette dernière interview. HARDCORE STILL LIVES.
Morne : « Mother Earth draws the way to follow » sur la chanson « No Random », la vie continue et même si elle est dure, elle reste belle !
Plus de photos du concert ici.
Merci au Dead Projet.
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