Interview//Celeste
-22/11/13 18:45
Conquis par leur nouvel album Animale(s) nous l’avons été, des questions nous taraudant nous sommes alors allés leur poser. Appréciez la scène française à son paroxysme avec cette interview fleuve des lyonnais de Celeste où l’on parle du double album, des sentiments derrière leurs sons et de la mouvance musicale actuelle.
Tout d’abord comment allez-vous, l’album est sortie en streaming intégrale, quels sont les échos que vous en avez eu pour le moment ?
Guillaume : Tout va bien. En effet l’album est en streaming intégral sur Terrorizer, Metalsucks et le site de notre label depuis début novembre. C’est une bonne chose de faite, on avait hâte que ça sorte. Les échos sont globalement plutôt bons, je pense que pas mal de gens ont su apprécier les nouveautés que nous avons apporté sur cet album. C’est rassurant, on se dit qu’au moins on n’a pas passé trois ans sur l’écriture pour rien. Ceci dit certains pensent qu’on a pondu encore la même chose…
Alors, vous l’aviez annoncé c’est un album concept, mais quel est ce concept finalement et en quoi est-il reflété par le mot animale ?
Johan: Je préfère ne pas trop entrer dans les détails car j’estime que l’intérêt réside aussi dans le fait de se plonger dans l’album et d’essayer de le comprendre soi même avec tous les problèmes d’interprétation que ça peut engendrer, mais c’est d’autant plus intéressant justement. Dans les grande lignes, je dirais juste que ça parle d’une histoire d’amour entre une fillette et un jeune garçon et que celle ci se termine mal.
Saviez-vous dès le départ que vous alliez partir sur un double album concept ou est-ce durant le processus de composition que vous vous êtes rendu compte de ce que vous étiez en train de créer ?
Guillaume : Rien n’était vraiment programmé. Au départ on ne savait pas vraiment où aller. Et les premiers temps où nous nous sommes remis à composer ont été clairement laborieux. Puis on a repris confiance avec quelques premières compos qui ont ouvert la voie. À tel point qu’on pensait enregistrer cet album assez rapidement. Finalement on a préféré prendre le temps de peaufiner les choses, de diversifier les morceaux, et on a déplacé à plusieurs reprises les sessions studios. Au final on s’est retrouvé avec plus de musique que ce qu’on aurait espéré. C’est quand Johan a commencé à réfléchir aux paroles qu’est venue cette idée de double album avec une histoire en deux parties. Ca nous a permis de structurer musicalement la progression de l’album tout en ayant une histoire cohérente pour lier le tout.
J’avais toujours rêvé de faire un album qui dépasse les 60 minutes, je suis content qu’on l’ait accompli et d’autant plus sous cette forme en deux tomes.
Votre changement de line up a-t-il eu une influence particulière sur votre composition ? La nouvelle configuration live a-t-elle été plus difficile à appréhender ?
Guillaume : Le changement de line-up est une conséquence de la manière dont nous avons abordé la composition. On souhaitait vraiment sur cet album miser sur deux guitares pour approfondir le travail des mélodies. Contrairement aux précédents où je composais certaines deuxièmes guitares un peu dans l’urgence avant d’entrer en studio…La question du line-up pour les lives est arrivée sur le tard mais s’est rapidement imposée comme une évidence. Si nous voulions retranscrire l’ambiance de l’album sur scène nous avions besoin d’un deuxième guitariste. Au final c’est notre bassiste qui a endossé ce rôle et Johan qui assure désormais chant et basse. Et je dois dire qu’on a rapidement trouvé nos marques ainsi. Je crois qu’on aurait du mal à revenir en arrière.
Vos trois premiers albums (et votre ep) sont tous sortis très rapidement, cette fois ci il s’est déroulé trois années entre la sortie de Morte(s) Née(s) et Animale(s), qu’est-ce qui a fait que vous avez pris votre temps ?
Guillaume : C’est clair que pendant nos premières années nous avons su être assez prolifiques. Ce n’était pas particulièrement réfléchi. On avait de l’inspiration, il y avait une montée en progression assez logique. Après chaque studio on savait où aller pour l’album d’après. Sauf que suite à la sortie de Morte(s) Née(s), j’ai ressenti comme le besoin de faire une pause. Je n’arrivais plus à prendre ma guitare pour composer des riffs. Non seulement je n’arrivais pas à savoir quel chemin prendre pour me renouveler mais surtout ça ne me procurait pas de plaisir. On en a profité pour tourner pas mal pendant un an. Et puis les choses sont progressivement rentrées dans l’ordre. C’est surtout notre exigence qui nous a imposé de prendre plus de temps.
Animale(s) est probablement le titre d’album le moins noir de votre discographie, et il y avait déjà cet espèce de détachement vis à vis du « rejet » dont les premiers disques faisait preuve chez Morte(s) Née(s). Êtes-vous toujours nihilistes, pessimistes et misanthropes ?
Johan: Oui toujours je pense, il n’est pas question de s’assagir ici. Je pense tout simplement que j’avais fait le tour de la question et qu’il était important de partir sur d’autres sentiers sans pour autant perdre notre essence. Morte(s) Née(s) ou Animale(s) sont des concepts très noirs, moins primaires que les trois premiers mais pour autant aussi violents et certainement plus profonds. La différence peut-être c’est l’apport d’une dimension plus poétique qui selon moi apporte plus de contraste à notre identité.
Royer: Quand on regarde de plus près, être pessimistes, nihilistes ou misanthropes ne se détache pas vraiment du fait d’agir, d’ignorer, de « penser ou ressentir », d’être indifférent, égoïste ou même violent comme les animaux. Donc certes sur le papier, cela paraît moins noir, ou moins violent, mais ce n’est pas complètement incompatible avec le sentiment animal. Ensuite comme sur Morte(s) Née(s), le titre Animale(s) a été choisi en fonction de ce dont traite l’album, les sujets ou histoires sont un peu différents qu’au début, moins axés religion etc…mais finalement on reste dans le rejet de l’autre, la frustration, le dégout, ou le fait de ne croire ou d’avoir foi en rien. Je ne dirais pas qu’il y ait une véritable coupure, le « rejet » est moins explicite mais reste sous-jacent.
Lorsque j’ai découvert le titre du nouvel album, Animale(s), la première association qui m’est venu en tête c’est « pulsions animales ». Identifieriez-vous votre musique comme une sorte de crachat nihiliste au possible ? Quelque chose d’incontrôlable qui prend le dessus sur votre personnalité quotidienne ?
Guillaume : En effet il y a quelque chose d’incontrôlable dans la musique.
Bien sûr à partir de Nihiliste(s) nous cherchions volontairement à créer une expérience sonore extrême. Mais malgré tout, les riffs qu’on sort on ne les maîtrise pas plus que ça. Dans la composition il y a une partie « intellectualisée », parce qu’on arrange, on structure les chansons, mais il y a une grosse part d’inconscient dans le premier jet. Et ça tu ne peux pas l’expliquer. Pourquoi cette note est sortie plutôt que celle-là. Pourquoi il y a cette âme dans ce morceau et pas dans un autre. C’est sûr que c’est au-delà de ce qu’on est au quotidien, parce qu’on est loin d’être des dépressifs violents qui tirent la tronche à longueur de journée, mais ça fait quand même partie de nous.
Comment l’écriture des textes a-t-elle été abordée pour ce concept, est-ce qu’un fil rouge y est présent ? Une histoire est-elle racontée ? En gros quel est le secret derrière les paroles de Animale(s) ?
Johan: Comme je l’ai expliqué plus haut, le secret je ne te le donnerai pas. Par contre oui, il y a clairement un fil rouge, on est même sur une forme de narration. On a deux histoires parallèles avec un début et une fin. Disons qu’au départ je me suis dis que le fait de partir sur ce type de projet serait d’une part ambitieux et intéressant mais aussi que ça serait une forme de contrainte créatrice qui me permettrait peut-être de me structurer et d’avancer rapidement. Au final ça a été tout sauf simple et rapide. Ça m’a pris un an alors que j’ai écrit Nihiliste(s) en deux semaines par exemple. Mais je pense que le résultat est intéressant, c’est le principal.
Y a-t-il un morceau qui s’extrait du reste textuellement parlant ? Ou juste une phrase qui vous a marqué ?
Johan: Respectivement le dernier titre de chaque album. Ce sont les chansons les plus abouties et les plus intéressantes pour la compréhension du concept.
Si jamais on veut lire vos paroles à l’intérieur de vos albums il faut se lever tôt, la mise en page facilite rarement l’accès à cette connaissance ; mais ce qu’il y avait de plus intéressant c’était les textes incorporés dans une croix inversée. Cette croix symboliserait ce fameux rejet dont je parlais tout à l’heure, ou encore l’idée d’aller à contre-courant. C’est déjà quelque chose qu’il n’y avait plus dans Morte(s) Née(s), le processus est-il réitéré ?
Johan: En fait, le fait de ne plus utiliser de croix vient à l’origine du fait que la photographe avec qui j’ai travaillé n’était pas friande de ce type d’imagerie. Mais de toute façon, les deux derniers disques n’ont plus de textes qui parlent de religion, donc en soit ce n’est pas incohérent d’avoir arrêté d’utiliser cette croix. Ça ne veut pas dire qu’on a retourné notre veste, c’est juste qu’en ce moment je parle d’autres choses. Concernant le fait que les textes soient toujours attachés, je trouvais d’une part ça intéressant graphiquement et je me disais aussi que les personnes qui se pencheraient sur les textes seraient obligées de le faire minutieusement plutôt que de survoler des bouts de phrases choisis au hasard. De toute façon les textes déliés sont maintenant donnés à la presse, donc je ne doute pas qu’ils finiront rapidement sur le net.
Ceci sera ma seule allusion à Mihai – Les titres des chansons de Mihai étaient très sobres et concis, pudiques je dirais même. A contrario, les titres de Celeste sont extrêmement violents et lugubres. Est ce une démarche similaire pour attirer l’attention surtout sur le contenu des chansons plutôt que le titre ? Sur le cadeau plus que sur l’emballage ?
Johan: On ne va pas se voiler la face, ça part d’une volonté d’interpeller (de provoquer ?) les gens. Au final ça devient une signature. Je pense qu’on peut reconnaitre CELESTE uniquement à travers nos titres de chanson. Au final, on a beau évoluer dans une scène qui se veut originale et peu conventionnelle, il n’est pas difficile de constater que la majeur partie des groupes répondent aux mêmes codes et finissent par se singer les uns les autres. Je ne dis pas qu’on est en pleine rupture, mais je pense qu’on joue sur un ensemble de détails qui sont identifiables parmi mille et qui participent à forger une identité forte.
Toujours sur les titres de chansons, ils dégagent parfois une poésie noire d’une beauté et d’une pureté assez étonnante lorsque l’on aborde votre musique. Serait-ce une manière de dire que même dans le pessimisme le plus noir, il est possible de trouver une lueur de beauté ?
Johan: Je l’ai en partie expliqué plus haut. Bien entendu, on peut tirer de la beauté de la noirceur, on peut être vulgaire ou grossier à certains moments et poétiques à d’autres moments, le tout c’est de trouver le juste milieu, et surtout que ça ne soit pas fait sans sens.
D’ailleurs, comme les titres de vos morceaux sont toujours tirées des paroles, comment en êtes vous venus à ce concept des lettres entre parenthèses pour les pistes sans chant ?
Johan: Par contrainte. Je me serais difficilement vu donner un nom à un titre instrumental. Du coup j’ai trouvé l’idée de ces petits gimicks. Du coup j’espère qu’on ne va pas faire trop de morceaux instrumentaux car je risque de tomber en panne d’idées pour les nommer.
Un peu plus tôt dans l’année Johan nous confiait que l’écriture était devenue une sorte de corvée, est-ce ce qui explique le plus grand nombre de passages ambiants/instrumentaux ?
Johan: Non pas vraiment. Peut-être qu’à une époque j’aurais écrit sur la fin d’un titre comme « (X) » mais au final je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. On avait la volonté d’avoir plus de passages instrumentaux pour la simple raison qu’on partait sur un disque de très longue durée et que ces passages nous semblent tout simplement nécessaires pour articuler les deux parties. Ce sont des moments de respiration, même si le terme ne convient pas vraiment vu qu’ils restent assez étouffants. C’est aussi l’occasion pour nous d’expérimenter certaines choses.
Royer : Non pas du tout, je pense que ça dépend de l’ambiance ou du type du passage ou du morceau. Sur les albums précédents, il y avait déjà des morceaux ayant très peu de chant, ou juste quelques mots. Ensuite, certes le côté corvée d’écriture pourrait influencer le fait d’avoir mis moins de chant ou pas du tout de chant sur certaines parties ou morceaux, mais c’est en réalité plus un choix artistique. Et puis parfois, il vaut mieux ne pas mettre de chant, que de mettre du chant juste pour mettre chant et que ça sonne un peu cheap ou basique.
Faire un album de douze titres avec trois d’entre elles instrumentales, c’est quelque chose que vous n’auriez peut-être pas osé faire aux débuts du groupe ?
Johan: Clairement non. En fait quand on a fait Nihiliste(s) par exemple, on avait eu une discussion sur ce qu’on voulait faire. Les autres parlaient d’arrangements de samples etc. Et moi à l’inverse vu que je sortais notamment de Un Jour Sans Lendemain (ndlr : dernier album de Mihai Edrisch) je leur avais dit que ce qui me bottait c’était plutôt un truc rentre dedans de A à Z et sans fioriture, et on était parti sur cette piste. Après c’est certain qu’après trois albums on se dit qu’il est peut-être temps de réfléchir un peu plus à notre truc, de prendre plus de temps et d’essayer de proposer de nouvelles choses. C’est ce qu’on a commencé à mettre en place sur Morte(s) Née(s) et qu’on a développé d’avantage sur Animale(s).
Royer : Trois sur un même album, peut être que non mais comme j’ai commencé à le dire précédemment, le fait de ne pas avoir de chant ou très peu n’est pas si nouveau finalement : il y a des passages sans ou avec peu de chant sur Nihiliste(s), Misanthrope(s) ou Morte(s) Née(s). On voulait aussi faire quelque chose de « nouveau », de plus contrasté du moins, qu’il y ait moins l’effet rouleau compresseur, avec des morceaux plus ambiants, plus lents ou plus lourds.
On retrouve d’ailleurs dans certains morceaux des ambiances que l’on avait peu entendu dans vos sons (sur « D’errances en inimitiés » ou « Outro » par exemple). Dans quoi avez-vous puisé votre inspiration pour composer ?
Guillaume : Les ambiances et les arrangements dont tu parles sont en fait issues de collaborations avec d’autres artistes, en l’occurrence Talvihorros et Sabrina Duval pour les morceaux auxquels tu fais allusion. Donc c’est plutôt à eux qu’il faudrait poser la question de l’inspiration, d’autant qu’ils n’évoluent pas du tout dans notre univers musical ! Ils ont été assez libres de nous proposer ce qu’ils souhaitaient, on a juste donné quelques indications pour que cela colle parfaitement à ce que nous voulions.
Johan: Juste pour préciser, concernant le travail avec Talvihorros on a eu peu d’influence, par contre avec Sabrina il y a eu plus d’échange vu qu’on a terminé le morceau à quatre mains, de même pour « (Y) » pour lequel Antoine a directement bossé avec Jean Charles Bastion;
Les artworks de Morte(s) Née(s) et Animale(s) sont dans la même veine, ou plutôt sur le même thème, ont-ils été fait par la même personne ? Qu’est-ce que vous ressentez quand vous regardez ces photos ?
Johan: Oui c’est la même équipe, c’est à dire Martyna Djekan (photographe polonaise) et moi. En fait quand on a fait l’artwork de Morte(s) Née(s) je me suis un peu dit que j’allais être dans la merde pour faire celui d’après car je trouvais celui ci quasi parfait. Du coup l’artwork du nouveau a été une sacré galère, très stressante et qui a demandé un travail énorme. Au final je suis assez heureux car je trouve ce nouveau travail beaucoup plus complet et un peu plus fin que celui de Morte(s) Née(s), même si je sais que la plupart préfèrerons quand même le précédent.
Sur chacun de vos artworks par ailleurs on retrouve une certaine esthétique de la femme, alors que vos paroles auraient plutôt tendance à détruire ce qui est beau, et par extension la femme. Comment vous placez vous face à ces choix artistiques et face à la Femme ?
Johan: Je pense que l’analogie n’est pas juste. Pour information Morte(s) Née(s) a sous certains aspects des accents féministes. Animale(s) a un regard protecteur et concerné sur l’histoire de la fillette.
La femme a en effet une part non négligeable dans mes textes, mais on ne peut pas dire que le tableau est tout noir, loin de là.
L’album est en deux parties, et vous avez intelligemment pris deux covers différentes pour illustrer chacune de ces parties, parlez nous de ce choix.
Johan: Pour moi Animale(s) est clairement un double album. Même si certains pourront pester que sa durée ne justifie pas ce qualificatif. Je rétorquerais tout simplement que c’est de notre ressort, pas de celui de nos auditeurs ou de la presse. Il était donc nécessaire de pouvoir identifier chaque album à un artwork. Pour des raisons pratiques j’ai dû choisir une cover pour chaque disque et une couverture principale pour l’ensemble. Mais comme vous le verrez une fois l’objet entre les mains, on a bien deux artworks distincts avec plusieurs photos pour chaque album.
Celui de Morte(s) Née(s) m’évoque la célèbre cover de Jane Doe de Converge. Hasard ou véritable influence/hommage ?
Johan: C’est marrant car on m’a fait la même remarque pour Misanthrope(s). Je trouve l’artwork de Jane Doe éminemment plus moderne que mes productions. La modernité c’est clairement ce que j’essaye d’éviter, je recherche le maximum d’intemporalité. Ma plus grosse crainte serait qu’on puisse regarder mes travaux dans 10ans et se dire qu’ils ont le style de leur époque. Donc non, ni influence, ni hommage, en plus même si je respecte Converge, je n’aime pas du tout.
Royer : Totalement un hasard, en réalité on ne connait pas vraiment Converge, aucun d’entre nous n’écoute ou connaît bien ce groupe, à part peut être un ou deux titres, et donc encore moins les pochettes. Personnellement, j’ai découvert cette pochette parce que plusieurs personnes commençaient à faire le rapprochement avec l’artwork de cet album.
Pour la promo de votre album, vous (ou votre label) avez choisi de teaser vos sons via des sites allemands ou anglais, pourquoi n’avez-vous pas privilégié la presse française ou au moins francophone ?
Johan: Bonne remarque. Par contre ce sont des sites anglais et américains et non allemands. Même si on est très content de ce que fait notre label, on sait que l’un de leur défaut était la faiblesse de leur distribution et promotion aux Etats Unis. Pour autant on a toujours constaté un attrait non négligeable du public américain pour notre musique. Du coup vu que Denovali a beaucoup travaillé sur la partie US depuis la sortie de notre dernier album, on s’est dit qu’on mettrait le paquet sur les States ce coup ci d’autant qu’on prévoit d’y tourner. Par contre Terrorizer c’était plus un hasard, on n’a pas de vues sur l’Angleterre.
Au final c’est vrai que la visibilité en France est assez faible pour l’instant, mais il y a aussi une raison simple c’est qu’à l’époque je m’étais pas mal occupé de la promo en France ce que je n’ai pas fait cette fois ci, j’espère que Denovali fera quelque chose de sympa au moment de la sortie.
Cette année avec la percée fulgurante de Deafheaven il semble que les sites comme Pitchfork s’intéressent de plus en plus à la musique black assez atypique, ce qui a découlé d’ailleurs sur la diffusion d’un de vos morceaux sur leur site. Comment réagiriez-vous si le black/hardcore devenait un nouveau phénomène de mode dont vous seriez – parmi d’autres – les pionniers ?
Guillaume : Il me semble que c’est déjà un phénomène de mode. Certes pas très grand public, mais dans la scène hardcore pas mal de groupes se sont inspirés de l’esthétique et de la musique black. Ce que certains appellent le blackened hardcore ou d’autres le post-black metal.
Pitchfork est un support dédié aux musiques alternatives donc ce n’est pas incohérent qu’il s’intéresse aussi aux musiques extrêmes. Même si cela offre une autre visibilité à des groupes comme nous, je ne pense pas que ça change profondément les choses.
Aujourd’hui la musique se joue beaucoup sur le visuel et la première impression, pourtant vous n’avez pas du tout de photos promotionnelles ni quoi que ce soit, vous laissez votre musique parler pour vous. Que pensez-vous des groupes qui débutent mais qui ont déjà plus de shooting photos à leur actif que de morceaux composés/enregistrés ?
Johan: C’est clair qu’on ne fait pas beaucoup d’efforts pour se montrer. Aujourd’hui on a l’impression que de faire un clip et d’avoir la dose de photos promo c’est obligatoire. J’ai toujours pensé que moins on s’imposait, plus ça allait fonctionner et en plus que ça allait se faire de façon saine. Cette manière de penser a certainement ses limites, mais jusque là ça a l’air de bien fonctionner. Je préfère que les gens se penchent sur notre musique que sur nos gueules.
Après chacun fait comme bon lui semble, je pense que les personnes à qui tu fais références font plus partie du milieu metalcore par exemple. On n’évolue pas dans le même monde.
Toujours en parlant de visuel, des groupes ont-ils déjà tenté de vous emprunter votre univers live ? N’est-ce pas trop dur de jouer constamment dans le noir total ? Le nombre de pains s’en ressent-il ?
Johan: Oui très clairement, mais on ne va pas donner de noms histoire de ne froisser personne. Techniquement dans l’ensemble on s’en sort pas trop mal même si bien entendu, il y a des moments où le mix fumée et strobe font que ça devient un peu épique. Par contre on a la « chance » de faire une musique que personne ne comprend en live, donc les pains il y a à peu près que nous qui les entendons, mais ça ne nous empêche pas de se chambrer les uns les autres quand l’un de nous en fait trop. Sauf Royer bien entendu car il n’en fait jamais (selon lui)
Royer : Hé bien si on considère que gérer ses lights, ou stroboscopes soi même en fonction de la musique, avec de la fumée et des frontales est « notre concept », alors on a pu effectivement remarquer quelques fois des similitudes, voulues ou non, de quelques groupes mais on a vu personne jouer encore avec des frontales. Ce n’est pas trop dur de jouer dans le noir, on aime jouer dans cette ambiance et on en apprécie mieux les lives comme ça, au contraire, ne pas être dans l’obscurité ne nous met pas en bonne condition pour bien jouer et être à l’aise. Je pense qu’on ferait autant de pains que si on jouait en pleine lumière, cela dépend surtout de l’état physique, de fatigue, d’ambiance et surtout d’alcool !
Vous êtes quasiment le seul groupe de musique extrême du roster de votre label Denovali (majoritairement ambiant/electro minimaliste), c’est une chose dont vous avez déjà discuté entre vous ou avec eux ?
Guillaume : En effet, mais au moins il n’y a pas de concurrence interne sur le label !
Bien sûr on en a déjà parlé entre nous, c’est vrai que ça peut sembler un peu étrange. Mais on est lié à Denovali par notre histoire commune. Ils nous ont fait confiance quand ils ont sorti la version vinyle de Pessimiste(s), nous ont toujours soutenu depuis et font globalement en sorte que tout se passe pour le mieux.
On a déjà été démarché par d’autres labels plus typés Metal, mais ça n’est jamais allé plus loin. On n’a pas vraiment de raison de quitter Denovali, en tous cas changer de label juste parce qu’ils n’ont pas un roster assez metal serait une sacrée absurdité.
Il y a quelques semaines une asso dans laquelle j’officie a fait jouer un groupe à la musique assez sombre, et nous (les membres de l’asso) avons remarqué le paradoxe entre le comportement plutôt joyeux et convivial du groupe en dehors de la scène, mais très dépressif et noir lorsqu’il s’agit de musique. La même conclusion s’est imposé lorsque je vous ai vu en juillet à la flèche d’or, en vous voyant rire ensemble en dehors de la scène, alors que votre musique est l’une des plus intensément négative que j’ai pu entendre. Évidemment on ne peut pas attendre des gens qu’ils tirent constamment la tronche, mais qu’est-ce qui fait que vous écrivez une musique si noire, alors que vous êtes probablement des crèmes dans la vie de tous les jours ?
Guillaume : On en revient un peu à la réponse que je t’ai donné à propos de la part incontrôlable dans la musique. Dans la vie quotidienne on est plutôt des mecs joyeux, avec un goût prononcé pour les fêtes bien arrosées. Et quand on part en date ou en tournée c’est un peu la colonie de vacances. On fait ça avant tout pour prendre du bon temps entre nous et avec les gens qu’on croise. Mais cela ne me semble pas antinomique avec le fait de jouer une musique sombre. Quand on monte sur scène, ce sont les mélodies qui reprennent le dessus. Même si selon les conditions on n’y prend pas toujours le même plaisir…
J’avais lu une chronique d’un de vos albums sur Metalorgie qui disait qu’écouter vos sorties dans leur intégralité n’avait rien d’agréable et qu’on en ressortait plus épuisé mentalement que véritablement rafraîchi. Malgré tout, votre album était très bien noté et globalement cette remarque était plus un compliment qu’autre chose. C’est vrai que votre style de musique, vos paroles, vos ambiances nous confrontent surtout à la douleur et à la peine. Mais pourquoi, selon vous, les gens vous écoutant reviennent toujours à vos albums et vous considèrent comme une référence en la matière ? L’Homme aime t’il se faire mal ?
Johan: On se matte bien des films pour pleurer ou d’autres pour se faire peur. On écoute peut-être du CELESTE pour se faire déprimer ou pour se dire que son quotidien n’est pas si dégueux que ça en fait. Dans notre « scène » certains sont amoureux de puissance, d’autres de violence, de noirceur, de tristesse… on sait bien qu’on n’écoute pas ces musiques pour se faire du bien même si on sait qu’au final ça nous en fait beaucoup.
Tirez-vous, justement, une fierté de provoquer un tel marasme avec votre musique ? Beaucoup d’artistes souhaitent donner de l’espoir aux gens qui les écoutent. Il serait vraiment étonnant de vous entendre dire que votre démarche est la même !
Johan: C’est certain qu’on n’a pas envie de passer inaperçu ni de donner l’impression de faire des concessions. Parfois je pense que je suis aussi content de recevoir des louanges que de voir quelqu’un nous détruire parce qu’on fait soit disant toujours la même chose, parce qu’il trouve nos titres de chansons ridicules ou qu’il trouve notre musique imbuvable. Je sais où on va, je sais ce qu’on fait et je sais qu’on ne le fait pas comme les autres, c’est tout ce qui m’importe.
Concernant l’espoir donné aux gens. Sincèrement ça nous est arrivé à de rares occasions que des personnes nous disent qu’on a compté pour elles dans des moments très difficiles. Je trouve ça très gratifiant, et je ne trouve pas ça incompatible avec notre musique.
Ne pensez-vous pas que certaines idéologies tuent le monde du hardcore aujourd’hui ? Certains groupes se réfugient énormément derrière le veganisme par exemple et ont tendance à mépriser tout autre courant de pensée, ce qui est paradoxal pour un style émergent de l’esprit punk. De manière générale, selon vous qu’est ce qui empêche aujourd’hui les groupes au sein d’une même scène d’être unis ?
Johan: Je sais pas c’est un peu bizarre. Autant à une époque j’avais l’impression de faire partie d’une scène, autant aujourd’hui j’ai plutôt l’impression de ne faire qu’en profiter, de la consommer. On a peut-être notre part dans l’édifice car sans groupe il n’y aurait pas de scène, mais je pense que la base c’est avant tout les gens qui organisent les concerts et tout simplement les gens qui y vont et qui achètent des disques pour certains. Je ne fais partie d’aucune de ces catégories. Donc parler d’unité ou tout simplement juger la scène dans son ensemble, serait peut-être pas très légitime.
Y’a t’il un groupe dont vous vous sentez proches idéologiquement et/ou musicalement aujourd’hui ? Français ou International.
Johan: On a ce défaut de vraiment très peu s’intéresser à ce qui se passe autour de nous. Donc c’est pas évident de répondre à ce genre de questions. Souvent en tournée on croise des gens qui nous demandent si on a écouté le dernier disque de tel groupe et on passe souvent pour des imbéciles, parfois les gens pensent qu’on se fout de leur gueule, qu’on fait semblant de ne rien connaître à « notre » scène mais c’est la triste vérité. Je dirais juste qu’on a croisé la route de gens qui produisent une musique qui se rapproche plus ou moins de la notre et avec qui on s’est lié d’amitié pour certains comme Hexis, Revok, Comity, Selenites, Lento, Rocal…
Avez-vous déjà des dates de prévu en France ou en Europe ? Pensez-vous faire quelque chose de particulier sur scène pour appuyer le concept de l’album ?
Johan: Oui on va faire quelques dates en Allemagne et en Belgique pour la sortie du disque, je pense qu’on fera aussi quelques dates en France en Mars/Avril. On n’a rien prévu de particulier scéniquement, mais on a une gratte de plus sur scène, de nouveaux morceaux, c’est déjà pas mal.
Si vous avez une dernière chose à dire, c’est maintenant.
Johan: Merci, tout simplement
Questions par Nathan & Tom
Merci à Johan et Celeste
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