Celeste – « Animale(s) »

- 25/11/13 18:00

Print

J’ai mis un temps fou avant de me mettre à l’écriture de ce texte. J’adore Celeste, et j’adore ce nouvel album, mais il m’a fallu du temps pour trouver l’inspiration nécessaire et la force requise pour poser mes mots sur le nouvel opus des lyonnais. Animale(s) est leur quatrième LP, qui vient tout de même trois ans après le fantasque Morte(s) Née(s) et comme il s’agit d’un double album j’ai décidé de parler séparément des deux parties, puisque je trouve la coupure justifiée.

À chaque fois que Celeste sort un disque on entend à coup sûr le classique « Celeste fait du Celeste ». C’est plus ou moins le cas, ils font ce qu’ils savent faire de mieux, nous plonger dans les abysses d’un chaos profond et intense dans lequel on saute volontiers à pieds joints sans trop savoir pourquoi. Tout ce que l’on sait c’est que ce concentré de désespoir on en a besoin. Ce n’est pas sain, mais qui a dit que nous l’étions ? Donc Celeste fait du Celeste oui, mais comme ils sont les seuls à le faire et qui plus est avec un tel brio la phrase n’est jamais prononcée péjorativement ou avec lassitude. Au final on est bien content qu’ils continuent de le faire. Cette tendance assez classique de leur son c’est ce que j’ai retrouvé sur les premiers morceaux, où on est assommé de toute part par la double pédale, les riffs stridents et hypnotisants, et bien entendu la voix perçante de Johan qui parvient par ses seuls cris à violer nos âmes. Prenez pour exemple le premier morceau et sa première phrase : « Laissé pour compte comme un bâtard ! » lance-t-il avec une conviction inébranlable ; et bien si comme moi vous vous êtes remémorés instantanément les moments de votre vie où vous avez été délaissés alors toutes mes félicitations.

À vrai dire je ne sais pas trop si les gens ont comme moi ce plaisir masochiste de s’infliger de la tristesse et de la noirceur par simple envie de découvrir jusqu’où on peut aller, jusqu’à quel seuil l’esprit humain peut l’endurer. La souffrance jusqu’à l’implosion. Et tout cela sans se poser sur les paroles (géniales ou pas, chacun son avis) que le groupe a l’habitude de nous proposer, ainsi même l’interlude « » est un modèle de tension et d’asphyxie. À la fin de cette première partie j’ai presque envie de rebaptiser l’album Démoniaque(s). C’est très cliché j’en conviens, mais je trouve que la sensation va au delà des pulsions animales, au delà du côté bestiale, et nous plonge complètement dans un univers de rouge sang et de noir, révélant en nous les pensées les plus obscurs et donc les côtés les plus démoniaques. Ces six premières pistes s’achèvent sur « Dans ta salive, sur ta peau », une piste absolument géniale qui fait preuve d’une intensité et d’une clarté effarante. Le fait de comprendre si bien ce que Johan chante à force d’écoutes donne un peu de mysticisme à leur message, comme si seuls quelques uns étaient dignes de l’entendre ; surtout étant donné le style très poétique de l’écriture des textes (je suis resté bloqué sur « Ce n’est plus le moment de prier il est trop tard pour s’affranchir du passé, puissent ces/ses larmes te libérer »).

CELESTE2

Sans plus attendre et tout chamboulés que nous sommes par la force de ce dernier morceau qu’il nous faut entamer la deuxième partie de l’opus, comportant elle aussi six titres. C’est pour moi la meilleure des deux et aussi la plus intéressante puisque sans s’aventurer trop loin elle dénote un peu du reste de la discographie ; se rapprochant par moment du son plus clair que pouvait avoir l’EP Pessimiste(s).

Pourtant sa structure est extrêmement similaire à celle de la première partie, un gros passage instrumental en introduction du premier morceau, une interlude en quatrième position juste après une piste coup de poing, et un final spectaculaire. Pour moi « D’errances en inimitiés » est le meilleur morceau de Animale(s), il a une ambiance fondamentalement différente tout en ne nous abandonnant pas à notre sort, et véhicule une telle maestria que le reste de l’opus paraitrait presque fade devant une telle pièce. C’est peut-être moi qui fabule en comparant cette partie du disque avec leur premier EP, et je fabule peut-être également en trouvant leur son radicalement différent, mais les sentiments qui s’éveillent en moi le sont. Il y a plus de clarté, tout en restant terré dans les abysses. Même l’outro intitulé sobrement « Outro » montre un nouveau visage du groupe, avec des arrangements et des instruments que l’on n’est pas habitué à entendre, offrant un petit moment de répit en digestif. Insensibles s’abstenir, mais la poésie qui se dégage de la musique du quatuor me donne envie de reconstruire le monde sur de nouvelles bases. Ne soyez pas montrés du doigt ô vous qui les aimez, en ce que vous êtes les fondateurs d’un nouveau monde.

Étrangement j’en ai moins à dire sur cette seconde moitié bien que je l’ai préféré ; mais c’est essentiellement dû au fait que la plupart des choses que j’ai dit en introduction s’appliquent aussi ici. Celeste met sans surprise une nouvelle baffe qui accompagnera vos rêves ou vos cauchemars, vos vies ou vos morts, votre ascension ou votre déchéance. À vous d’en faire ce que vous désirez en faire, mais écoutez le, de grâce écoutez le.

Reagir a cette chronique :