Norma Jean – « Wrongdoers »

- 16/08/13 18:32

NORMAJEAN

Alors qu’en 2008 ils nous sortaient des covers d’album de plus en plus belles, ils semblent depuis 2010 damnés à nous écorcher les yeux avant de nous caresser les oreilles. On est donc passé du terrifiant gamin qui nous gardait éveillé la nuit de Bless the Martyr and Kiss the Child ; du classicisme des oiseaux d’Hitchcock de Redeemer ; et du contraste saisissant et étonnamment captivant de The Anti Mother aux horribles personnages de cirque de Meridional, pour finir sur ce…truc qu’est Wrongdoers (j’omets volontairement celle de O God the Aftermath car elle est tellement tempérée et insipide qu’on ne peut ni la trouver laide, ni la trouver belle). Heureusement qu’ils se rattrapent grassement sur le son qu’ils produisent, et ce n’est finalement pas une surprise. Dernière remarque avant d’entrer dans le vif du sujet, je trouve qu’il y a avec Norma Jean un genre de consensus populaire tendant à dire que ce groupe est – quoi qu’il arrive – monstrueux ; même si des gens ne sont pas fans, ce ne sera jamais critiquable d’aimer Norma Jean, et cela n’amènera jamais moqueries et farces. Il y a assez peu de groupes capables de provoquer ce « label qualité » dans l’esprit des gens, et NJ en fait parti au même titre que Converge, Glassjaw ou The Chariot (on reste globalement dans du hardcore pour ce genre de groupes). Voilà, maintenant on tranche dans le steak.

Que c’était grandiose, de la première à la vingtième écoute, impossible de ne pas idôlatrer Wrongdoers. Il n’est pas parfait (on reparlera de sa place dans leur discographie plus tard) mais il s’approche dangereusement de l’idée que l’on se fait d’un album complet et excitant d’un bout à l’autre. En gros ils ont pris tout ce qu’ils savaient faire, l’ont amélioré, et l’ont mis dans onze morceaux. Vous aimez le Norma Jean bien bourrin et violemment jouissif ? pas de problème, ils vous sortent « If You Got It at Five, You Got It at Fifty » et « Neck In the Hemp » ; vous aimez le Norma Jean catchy avec les mimiques vocales de Cory ? pas de problème, ils vous sortent « Wrongdoers », « Sword in Mouth, Fire Eyes » et « Triffids » ; vous voulez des pistes plus travaillées et plus recherchées ? goutez « Funeral Singer » ; vous souhaitez tester le menu jenveuxpleinlagueulerapidement, allez voir « The Lash Whistled Like a Single Wind ».

Ce que je considère également comme la petite surprise du chef c’est la présence d’une vraie intro addictive « Hive Minds » et d’une étonnante et fascinante outro « Sun Dies, Blood Moon ». Cette dernière piste reflète une sensibilité que je ne connaissais ni ne soupçonnais chez les géorgiens, ou en tout cas pas sous cette forme (car il ont dans leurs bagages de très bonnes outro comme « Organized Beyond Recognition », « Scientifiction (I. A Clot Of Tragedy; II. A Swarm Of Dedication) », « Innocent Bystanders United » ). Je ne peux même pas expliquer à quel point j’ai été bluffé par cette piste, et bluffé commence à peine à décrire ce que j’ai ressentis tant j’ai été absorbé sans résistance dans cette délicieuse ode. Du grand art. L’une des grandes raisons du succès de cet album est encore une fois Cory Brandan, qui nous sort une interprétation monstrueuse. D’accord il n’aura jamais la voix la plus puissante ni la plus impressionnante, mais bordel qu’est-ce que c’est technique, et ce type a un groove inimitable, que ce soit sur le clair ou le hurlé. La perfection modélisée. Apprenez les jeunes, il ne suffit pas de bien chanter, il faut savoir bien placer son chant, et il faut avoir l’étincelle qui fait lever les foules et qui vous différencie. Et j’ose à peine parler des guitaristes qui nous ont sorti des riffs de leur boîte à miracle (cf : riff de « If You Got It At Five, You Got It At Fifty » ou « The Potter Has No Hands »).

Où faut-il donc placer Wrongdoers dans la discographie de Norma Jean ? Tout d’abord la réponse à cette question ne sera pas définitive puisqu’il faudra plusieurs mois, voir années pour concrètement digérer un tel disque ; mais à l’heure à laquelle j’écris ce texte, j’ai envie de le placer assez haut, mais pas tout en haut comme pas mal de personnes l’ont laissé entendre. Pour moi Redeemer ne sera probablement pas inquiété avant longtemps, mais il faut admettre que cette dernière galette fait très, très fort. Quand on pense qu’ils faudra peut-être que l’on attende encore trois ans…

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