Red Fang – Whales and Leeches

- 07/11/13 19:00

RedFang-W&L

Avant, lorsque je devais explique ce qu’est le stoner, ce style de musique si cher à mon coeur ça donnait :  » Tu vois Queens Of The Stone Age ? Bon, c’est pas vraiment ça en fait mais avant de former le groupe, le guitariste/chanteur jouait dans Kyuss et là t’es en plein dedans « . Autant le dire tout de suite, pour les non initiés, c’était pas très parlant. Alors on partait dans des explications capilotractées du genre : « Tu prends Black Sabbath, un peu de Stooges, une pincée de Led Zepp’, tu secoues bien dans un récipient 100% underground et normalement à la fin, t’obtiens un groupe de stoner au son bien gras. » Et même là on me répondait bien souvent : « ouais c’est du hard rock quoi. » Et moi ça m’énerve parce qu’au fond oui, c’est complètement du hard rock et puis le stoner c’est une étiquette tellement vague … mais d’un autre côté y a quand même une esthétique bien particulière, un grain, un caractère …

Mais ça c’était avant. Avant quoi ? Avant Red Fang ou pour être plus précis, avant « Prehistoric Dog », ce clip tout en humour, en clichés détournés, en fraîcheur, bref LE clip qui a fait découvrir Red Fang à la face du monde et qui a rendu ma vie facile :   »J’écoute beaucoup du stoner. Pour faire simple, tu vois Red Fang ? C’est précisément ça. »

Et oui, on en est là. Des ricains qui en deux albums ont su retourner l’Europe à travers 25 tournées, s’ouvrir les portes des plus grands festivals et continuer leur petit bonhomme de chemin.  Et voilà que Red Fang remet le couvert avec Whales and Leeches.  Je n’en attendais pas grand-chose, persuadé que Red Fang resterait toujours un groupe de live exceptionnel mais assez convenu sur album. Mais quelle erreur !

Commençons par le truc qui calme : l’artwork. Sublime. Splendide. Là aussi c’est la parfaite définition de ce qu’on attend d’un groupe de stoner : une magnifique illustration toute en détails singuliers où l’on retrouve les symboles typiques comme le nu féminin, la mort, les oiseaux, les animaux à cornes, les tentacules, la lune. On a vu tout ça au moins 500 fois depuis 20 ans. Ben oui sauf qu’il y a ce petit quelque chose dans l’utilisation des couleurs qui fait mouche et qui rend le tout magistral.

L’artwork est pour moi un joli reflet de ce que Red Fang a réalisé au niveau musical avec ce Whales and Leeches. Lorsqu’on écoute distraitement cet album on se dit qu’on a toujours ce son très gras, une prod assez garage (mention spéciale à cette caisse claire supersonique) et des titres conventionnels de part leur structures. Mais après plusieurs écoutes attentives tout devient clair et la qualité d’écriture et de travail devient plus criante. Le groupe a progressé sur de nombreux points depuis Murder The Mountains à commencer par les lignes de chant. En alternant toujours plus les parties de chant entre Aaron Beam et Bryan Giles, Red Fang nous offre plus de diversité mais surtout un véritable sentiment de puissance. Le chant a pris de l’importance et ce sont souvent les riffs qui, bien que d’excellente factures, se retrouvent moins mis en avant. Pour moi c’est un atout qui rend les titres plus percutant, ceux-ci en effet, rentrent dans votre tête pour n’en plus sortir. L’autre énorme progrès, ce sont les leads guitares qui sont bien plus barrées et bien plus personnelles qu’auparavant. On  sent que tous les membres de Red Fang ont trouvé leur place, une sorte d’équilibre salvateur.

Parlons aussi marketing, cette fois-ci pas de clip hilarant (du moins pas encore) mais carrément un mini jeu qui a fait un sacré buzz et pour cause, celui-ci simule un état d’ébriété augmentant au et à mesure que vous ingurgitez des bières. Encore une excellente idée.

Et là où Red Fang fait fort, c’est que paradoxalement, cet album si stoner, s’en éloigne énormément. En gardant le son, l’estéthique et une production très stoner, le groupe satisfait ses fans mais musicalement, on sent que le groupe s’est refait une bonne écoute de Melvins, de Motorhead et surtout de certains albums de Metallica (Ride The Lightning & Master of Puppets en tête). Le résultat donne un album plus thrash metal , puissant, sale et sans fioriture bien qu’extrêmement raffiné.  Ce dosage entre pur stoner et ouverture musicale, entre spontanéité et travail de finitions, fait de Whales and Leeches un album d’une étonnante homogénéité dont on ne se lasse pas. En prime, le groupe n’a rien perdu de son humour et n’hésite pas à sortir des thématiques souvent trop sérieuses et énigmatiques du genre.

Et s’il faut retenir quelques titres sortant du lot, je parlerai du tube « Blood Like Cream », sorti il y a quelques mois et qu’on a encore tous en tête. Je citerai le colossal « Dawn Rising » qui résonne dans nos oreilles et semble à lui seul un hommage au sludge et au stoner le plus rude. Précisions qu’il contient certainement le meilleur break et le meilleur riff de l’album : saccadé, décapant et avec une signature rythmique originale. L’hymne thrash « 1516″ mérite aussi  sa petite mention tout comme « No Hope » qui pourrait presque être un titre de Mondo Generator tend on sent une tension punk hardcore transparaître.  Quand à mon coup de cœur ? Il ira tout naturellement à la piste d’ouverture de cet album « Doen » qui résume à elle seule tout le bien que je pense de Whales and Leeches.

Ne vous y trompez pas, ce n’est pas l’album de la décennie mais Red Fang continue à étendre son emprise sur le monde du rock couillu et ce sans trembler, sans se perdre en chemin et sans que quiconque n’ose les défier. L’avenir semble limpide et sans nuages pour Red Fang, pourvu qu’ils continuent à sortir les crocs.

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