Sun & Sail Club – Mannequin

- 26/11/13 18:00

Mannequin Sun & Sail Club

Ô aventuriers auditifs, ô amateurs d’excentricités, ô hypsters en mal d’underground, ô name dropper devant l’éternel voici l’album qui vous fera jubiler en cette fin d’année 2013. Sun & Sail Club sort tout droit d’un rêve épileptique et nous livre un premier et sûrement unique album conceptuel et étrange : Mannequin.

Faisons un point. Beaucoup diront que Sun & Sail Club c’est Scott Reeder et Scott Reeder et c’est plutôt vrai mais c’est surtout Bob Balch. Guitariste de Fu Manchu depuis des lustres, prof de guitare via internet, cet homme est un pilier de la scène stoner mais le voilà frustré. Frustré car disposant d’un paquet de riffs et de chansons potentielles trop heavy, barrées et asymétriques pour coller au son de Fu Manchu. Alors il échange quelques fichiers audios avec le batteur de son groupe : Scott Reeder que nous appellerons SR1 si vous le voulez bien. Les deux se mettent à jammer et on peut dire que ça sonne grave. Profitant d’une pause dans l’agenda chargé de Fu Manchu, les deux hommes décident d’enregistrer, sans chanteur ni bassiste, histoire de. Un peu pour la blague, beaucoup pour la légende et énormément pour ses qualités d’ingé son, les deux compères choisissent d’aller enregistrer chez Scott Reeder (ex bassiste de Kyuss et The Obsessed) que nous appellerons SR2 si vous le voulez toujours.

Bien sur SR2 propose vite de poser ses lignes de basses inimitables et finit par prendre complètement part au processus de création et d’enregistrement. C’est finalement lui qui fera basculer cet album dans l’étrange. Bob Balch n’est pas chanteur et, pour accompagner ses pistes et donner des idées aux futurs chanteurs potentiels, il a enregistré des pistes de voix vocodées et synthétiques. Evidemment, elles n’étaient là qu’en tant que repères mais lorsque SR2 a commencé à mixer le résultat il a tellement aimé ce son sorti de nulle part que tout le groupe a décidé de garder ces pistes étranges et vocodées. C’est ainsi que le son Kraftwerk rencontre Fu Manchu, qu’un Daft Punk d’antan, fais un duo avec Metallica du mid 80’s.

Et donc on lance l’écoute, ne sachant pas vraiment à quoi s’attendre si ce n’est à être déboussolé. Et voilà qu’une ambiance jazzy nous accueille, de manière sobre et posée sans qu’on comprenne vraiment pourquoi mais ça sonne tellement qu’on ne s’en plaint pas. Et voilà que le lourd et lignes vocodées arrivent avec « Held Down ». Forcément, on est désarçonné, c’est tellement bizarre qu’on ne sait pas ce qu’on en pense. On se raccroche à des éléments connus, les riffs sont monstrueux, les mélodies folles et puissantes. Une fois passée la surprise il y aura deux options : les réactionnaires arrêteront l’écoute ici, les autres se laisseront bercés. Si vous jouez le jeu, ce type de son se bonifiera avec le nombre d’écoutes et vous découvrirez que vocoder peut aussi être signe de qualité.

Le premier constat est que « Held Down » est l’un des titres les plus difficiles d’approche de l’album et pour cause, il repose principalement sur le chant omniprésent et quand ce chant est si what the fuck, c’est forcément un exercice de style délicat. Toutefois il fait office de test : on aime ou on déteste.

La récompense vient dès le sublimissime « Whites Of Your Eyes » surpuissant, heavy à souhait. Ici on apprécié pleinement les qualités de riffeur de Bob Balch qui pond un nombre incalculable de bonnes idées à la seconde et nous gratifie d’un solo dantesque avec ses accents orientaux par moments et 100% shreddeur à d’autres.

« Gang Justice » est peut être le titre le plus représentatif de ce que cet album a à offrir. Tout est en place, la basse toujours à sa place pour offrir cette richesse et cette puissance au son du combo tandis que la batterie tout en énergie soutient parfaitement voix et riffs surnaturels.

Ce qui frappe sur cet album c’est son aspect complètement barré et innovant tout étant résolument ancré dans le passé. Un paradoxe accentué par ce nom et cette pochette. Un mannequin de plastique jouant au tennis façon années 50/60 mais dont le visage a été déformé esprit Roswell.

« It’s All Your Fault » est de loin le titre le plus speed de l’album et permet de mettre en avant toutes les qualités du batteur SR1 qui pilonne ses toms et surtout sa caisse claire sans aucune retenue.

On serait tenté de croire que cet album est une succession de riffs et de lignes vocodées mais non.  « La Muerte de Una Planeta »  permet à SR2 d’exprimer tout son talent de bassiste sur un tout petit jam jazzy d’une minute qui, perdu dans cette déferlante d’énergie, fait un bien fou. Un peu musique d’ascenseur dans l’âme on y voit comme une métaphore en ce milieu d’album : Vous êtes arrivés au sommet, préparez vous pour la redescente.

Voilà qu’un titre déroutant nous accueille avec des vrais chœurs réalisés par SR2 et surtout une progression très lente, une guitare solo aérienne, une ligne de basse sublime et le tout sur un tempo très posé. Malgré son apparente tranquillité, « I’m Not Upside Down » fait monter la pression : vers quelle direction va partir cet album pour son dernier tiers ?

« Season In Hell » est le meilleur titre de l’album. C’est dit. Tout y est, déflagration sonore, les riffs sont un vrai régal pour nos oreilles, on a le sourire jusqu’aux oreilles et on est désormais accoutumé à ces lignes de voix étonnantes. Nous voilà conquis, prêt à tout accepter de la part de ce groupe : Nous avons rejoins le Sun & Sail Club ! Mention toute spéciale au solo de guitare déjanté et d’une qualité remarquable.

Pas le temps de se reposer, voici une autre décharge de gros son. L’enchaînement est tellement bon qu’on a du mal à sentir une quelconque baisse de régime ou de qualité. Avec ses 2 minutes 15 au compteur, le bien nommé « Inside The Machine » nous scotche dans notre ascenseur qui descend en chute libre.

On vient de s’écraser au sol. La voix des anges résonne. C’est l’intro de « Hunted ». On sent que la fin arrive et … non. Maintenant nous sommes sous terre. Coincé entre les riffs démoniaques (avec un son qui se fait plus gras) et des chants angéliques, nous voici au purgatoire pour le dernier acte de ce voyage. Je vous invite à tendre l’oreille, les lignes de basse méritent vraiment d’être décortiquées tant elles sont géniales.

Et voilà « La Risa de Satanas ». Nous y voilà, la réponse est donnée. Le combat est terminé, un nouvel interlude jazzy vient nous réveiller, il est temps de dire adieu à ce songe.

On ressort de cet album éprouvé. Il ne plaira pas à grand monde mais déjà un public de fanatiques se crée, prêt pour la révolution. Mannequin est le genre d’album dont on adore que tout le monde le déteste tandis qu’on se délecte d’être parmi les seuls à l’avoir compris. Ne tombez pas dans l’élitisme messieurs dames, aidez nous à faire découvrir cette petite tuerie à tous les mélomanes autour du globe, ils le méritent bien et c’est surtout notre seul espoir de voir un jour ces trois gaillards chevelus jouer cet album en live !

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