The Prestige – « Black Mouths »

- 15/03/12 15:38

 

29. THe Prestige - Black Mouths

 

The Prestige. Quesako? Que les geeks de Call Of Duty stoppent le tir direct, on ne va pas parler ici de FPS mais bien de rock, de rock bien sale. Après un EP, A Series of Catastrophes and Consequences, sorti en 2009 plutôt efficace quoiqu’ homogène, le quatuor parisien emmené par Alex Diaz revient cette année avec un premier album studio intitulé Black Mouths. Récit d’un voyage des plus enivrants.

Vingt-deux heures, je débute donc l’écoute du premier album studio de The Prestige. La galette débute par le premier single et clip, « The Truth ». Un morceau qu’on avait déjà pu découvrir en avant-première dans Bring The Noise qui reste dans la lignée de ce The Prestige sait faire de mieux, c’est-à-dire un post-hardcore énervé teinté d’on-ne-sait-trop-quoi aux sonorités proches de The Chariot ou encore Converge. Les riffs sont rapides et sales, la caisse claire mitraille, quant au chant d’Alex il est écorché et tend à s’égosiller avec brio. Après trois minutes, le tempo se ralentit et les cris laissent place à un gang vocal ultra efficace (« We’ve fought for some reactions / And it poisoned my blood »). A noter que le clip ainsi que le mp3 de ce morceau sont disponibles en téléchargement gratuit et légal sur bandcamp du groupe. Les deux titres suivants (« Burn Down Vegas » et « Ballroom ») restent dans la continuité de « The Truth » et ne se démarquent pas énormément, quoique la venue de Flora de Junie Jungle et la fin blues/jazzy de « Burn Down Vegas » apportent une touche plus que délicate et voluptueuse à la musique de The Prestige. « Cranefly », dont le texte mystérieux m’a laissé pensif, marque un premier tournant dans l’album. Bien que le début du titre reste dans le répertoire classique du groupe, la fin, elle, vire au post-rock et la voix du frontman cesse de s’égosiller pour devenir frêle et vulnérable, le final taillé en crescendo laisse muet et prépare au titre suivant, la piste instrumentale « Pluie ». « Pluie », « à écouter sous une pluie d’été » à en croire le groupe, met de côté la distorsion, le hardcore et l’agressivité pour donner vie à une nouvelle forme de violence. The Prestige sortent ici les guitares acoustiques pour un morceau de près de cinq minutes où les éléments de la musique shoegaze, voire drone, côtoient le blues et le jazz. Une piste chaude et humide qui va crescendo continuellement vers un apocalypse des plus envoûtants, un nom court pour un morceau qu’on voudrait interminable ; « Pluie » marque un pause nécessaire dans la galette qui permet d’entamer l’écoute de sa seconde partie avec une oreille d’avantage tendue aux sonorités que dégagent la musique de The Prestige.

Sans attendre, le quatuor parisien débute « The Never Ending End » sur les chapeaux de roues. La caisse claire claque et mitraille à nouveau, tandis que les riffs empressés et le chant hurlé reprennent de plus belle sans pour autant faire écho à ce qui a pu être proposé au début de la galette, se démarquant de ce que le groupe a pu faire sur son EP sorti en 2009. Le morceau prend un tout autre visage lorsque la guitare soliste lance un lead-guitar continu très emprunté à l’ambient-rock et au post-rock surplombé par le chant torturé d’Alex qui scande « They said we’re rivals and rivals we’ll stay. / Blessed by the Ocean and dragged by the Sea. / Rivals. » (probablement les meilleures paroles écrites par le groupe à ce jour) avant que le morceau de se termine par un riff saccadé à souhaits puis lancinant et (une fois encore) apocalyptique où Alex s’époumone en répétant « Rivals » de quoi mettre en érection la pilosité de mes bras pour le reste de la nuit. Les deux titres suivants, « Forward » et « Backward » s’emboîtent à merveille et sont le reflet exact de ce que peut être la musique de The Prestige sur scène. « Forward » débute par un long larsen accompagné de parasites, le reste n’est qu’une incroyable suite de riffs tous plus déjantés les uns que les autres et de brusques changements de tempos qui pourraient en déstabiliser plus d’un mais rendant hommage à la magie des parisiens une fois sur les planches. Par ailleurs on constate l’apparition d’un refrain. (Si, si, un vrai de vrai) entraînant et complètement fou (« We’ve got to get away / You left me broken hearted. »). Inédit. « Backward » reprend les choses exactement où le titre précédent les a laissé. Le morceau est essentiellement instrumental avec un tempo très lent laissant donc transparaître une lourdeur passionnante. Avec l’arrivée des courtes paroles (« Some rise by sin, some rise by virtue fall. ») répétées, le rythme va en s’accélérant vers un final déjanté et progressivement violent. Black Mouths se clôt sur le second morceau exclusivement instrumental « A Thousand Trees In My Closet » aux sonorités moyen-orientales et la ballade « Hooks & Lips ». Ce dernier très attendu après le majestueux final de « Cranefly » qui nous a donné un avant goût de ce qu’était The Prestige une fois l’agressivité laissé de côté. Quelques notes de guitare, une batterie qui joue essentiellement sur les cymbales, peu d’arrangements studio et une voix frêle et délicate qui font de « Hooks & Lips » le morceau le plus novateur de l’opus. A la fois émotionnellement intense car le groupe effleure Deftones et Radiohead et puissant avec cette montée finale qui glace le sang, The Prestige nous prend à revers avec cet ultime titre, le plus personnel et le plus séduisant. On en attendait pas tant.

Merde il est déjà cinq heures et ce premier album de The Prestige est sans aucun doute un monument de la scène française ascendante. De la puissance de « Backward » à la délicatesse presque fragile de « Hooks & Lips », au mystère de « Cranefly » en passant par la beauté de « Pluie » et l’auguste de « The Never Ending End », le quatuor parisien vient de pondre une galette qui séduit et effraye. Un grand disque de ce début d’année qui traversera les saisons et qui marque un nouveau départ pour le groupe.

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