Devianz – « A Corps Interrompus »

- 09/05/12 18:26

 35. Devianz - A Corps Interrompus

En 2005 sortait Una duna in mezzo all’oceano, le premier album de Devianz. Depuis, le quintette parisien s’était montré discret, ne sortant que deux extended plays, à savoir : Les Lèvres Assassines datant de 2008 et le trois titres Trouble Amante, sorti l’an passé. En 2012, la bande emmenée par Guyom Pavesi marque son retour avec cet album de quatorze titres intitulé A Corps Interrompus.

Un album introduit par le titre « Trouble Amante » qu’on a pu écouter et savourer plus d’une fois sur Ouï FM. C’est d’ailleurs Pavesi qui est à la production de cet album sophomore, prenant ainsi le relais de Stéphane Buriez (Black Bomb A) ou encore Davy Portela (Pleymo, Lula Fortune) et c’est pour le moins une franche réussite. En effet, on a vu ce dont il a été capable sur Black Mouths, le premier album de The Prestige sorti plus tôt cette année, et bien le bonhomme parvient une fois encore à nous transmettre cette vague d’émotions et sentiments rien que par le travail de production.

Bref, parlons de la musicalité de cet A Corps Interrompus. Tout d’abord, notons que Devianz évite soigneusement les clichés de la scène rock/métal actuelle et ses structures bateau, ses accords répétitifs et son chant simpliste et linéaire. De plus, comme on avait pu l’entendre sur le trois titres Trouble Amante, le quintette a quelque peu laissé de côté le son lourd qu’ il avait sur Una duna in mezzo all’oceano au profit de compositions extrêmement réfléchies, ambiantes voire torturée. Tout est affaire d’atmosphère. En effet, le son des guitares est, pour la plupart des titres de la galette, moins dissonant au profit d’une volonté d’instaurer un décor plus aérien (« L’ Alchimie Des Sens », « Mute Echo Room »). Cependant, le groupe parvient à garder ce côté rock rappelant parfois Placebo avec un brin de poésie torturée en prime à la façon Noir Désir (« Sous Une Lune De Plomb », « Soleil d’ Encre »). Puisqu’on compare, certaines atmosphères ne sont pas sans faire écho à Mass Hysteria, pas pour leur côté nü-métal – style Contraddiction - mais d’avantage pour les émotions balancées par la bande de Mouss sur l’album self-titled. Pour finir, parlons du chant. Guyom Pavesi est un très bon producteur – ça ok – mais aussi un excellent frontman. Son chant mélancolique à souhaits surplombe une instrumentale qui semble faite pour lui, une page blanche légèrement salie par le temps qui accueille parfaitement une plume ô combien pleine de douleur pour des textes cohérents et à fleur de peau tout au long de l’album. A Corps Interrompus est rempli de refrains brûlants qui s’encrent dans la mémoire même après l’écoute de l’album. Du côté diversité, tout le monde en aura pour son compte : allant du chant arachnéen de « Larmes de Sel » ou encore « Passion/Omission » aux screams empruntés au métal et au hardcore de « Des Racines Dans La Chair » ou du tonitruant « L’Alchimie Des Sens ». Enfin, seul invité de la galette, il s’agit de Vincent Cavanagh d’Anathema qui vient poser son chant sur le morceau « Ton Corps N’est Qu’ Atome », une collaboration presque évidente et terriblement efficace apportant une diversité indispensable à ce deuxième album de Devianz.

Sur le papier, les cinq parisiens de Devianz sont présentés comme le résultat d’une chaude nuit d’amour passée entre At The Drive-In et Portishead ; le résultat de cette union donnant naissance à quelque chose de « Doux comme une pop langoureuse, brûlant comme un rock à fleur de peau. » on ne saurait trouver meilleure définition de la musique du quintette. Ce A Corps Interrompus est un véritable OVNI de la scène française puisqu’il puise son inspiration de styles aux antipodes les uns des autres. Ainsi, autant un large panel d’oreilles sauront apprécier cet album et les secrets qu’il renferme, autant certains esprits risqueront de passer à côté, car fâchés contre le chant dans la langue de Molière ou par les styles avant-gardistes qui, comme tous, effraient à la première écoute. Un album de la scène française qu’il est vivement conseillé d’écouter au moins une fois.

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