Mark Lanegan Band – « Blues Funeral »

- 26/07/12 17:58

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Quand le crooner du grunge fait son grand retour, ça intéresse forcément une certaine tranche des amateurs de rock, pourtant personne n’aurait cru que cet album aurait un tel succès critique. Les éloges pleuvent de partout, les grands festivals européens se l’arrachent, les magazines rock l’honorent en couverture et même la télévision française lui ouvre ses portes.  Mark Lanegan nous offre avec Blues Funeral un album d’une qualité éblouissante, un songwritting maitrisé et muri où hargne et mélancolie se mêle à l’expérience pour créer une musique envoutante. Décryptage.

On connait souvent Mark Lanegan pour son implication au sein de Queens Of The Stone Age pourtant, l’américain a connu le succès avec The Screaming Trees, groupe pionnier de l’ère grunge dès les années 80. Outre ses très nombreuses collaborations, il y a sa carrière solo. Mark Lanegan y  joue une musique intimiste, posée mais toujours énervée. Après l’excellent Bubblegum paru en 2004, le Mark Lanegan Band reprend enfin du service fin 2011 avec ce fameux Blues Funeral. L’histoire d’amour avec cet album commence dès que l’on pose son regard sur l’objet. La jaquette nous rappelle au premier abord un papier peint des années 70, abîmé et désuet. Pourtant très vite on lit le nom de l’album et tout prend sens. Blues Funeral. C’est tellement beau qu’on aurait envie de se le faire tatouer sur le front. En deux mots, Lanegan résume l’esprit de cet album empreint de nostalgie et de désillusion sans jamais tomber dans la complainte.

Pour enregistrer cette bien belle galette, Mark Lanegan fait appel à ses amis de toujours Josh Homme, Jack Irons, Chris Goss, Greg Dulli ou encore Alain Johanes. Ce dernier produit carrément l’album malgré son emploi du temps surchargé (rappelons qu’il est membre de Qotsa, Eagles of Death Metal, Them Crooked Vultures, Eleven, Spinerettes, etc). En live, Mark Lanegan se fait accompagner par tous les membres de The Creature With The Atom Brain et le moins que l’on puisse dire c’est que les Belges viennent sublimer le travail de composition réalisé sur cet album. Ils offrent à Mark Lanegan l’écrin parfait pour sa voix et on ne peut s’empêcher de penser que c’est cette « nostalgie à l’européenne » qui permet d’arriver à un tel résultat. On recommande donc grandement d’aller voir les nombreuses prestations live disponibles un peu partout sur le net ou mieux, d’aller voir Mark Lanegan sur sa tournée.

Mais reparlons de ce qui nous intéresse aujourd’hui : l’album. Le morceau d’ouverture « The Gravedigger’s Song » résume parfaitement ce que Blues Funeral peut nous offrir : une musique très percussive et envoutante, pleine de bruits et de perturbations en tout genre qui forme une ligne continue et sans aucune cassure sur laquelle Mark Lanegan pose une voix qui n’a jamais été aussi suave, désabusée et agréable à écouter. La batterie, particulièrement répétitive, est  un autre élément permettant cette marche en avant ininterrompue. Ce qui marque c’est la puissance qui se dégage du morceau malgré une absence de riff et seulement quelques semblants de mélodies par ci par là, le reste n’étant qu’une rythmique solide comme un rock. Blues Funeral c’est surtout des morceaux lents et épurés où Mark Lanegan nous enchante et use de sa voix pour susciter en nous des émotions diverses. On pense bien sûr à « Leviathan », « Bleeding Muddy Water », « St Louis Elegy » et « Phantasmagoria Blues ».

« Ode to Sad Disco ». Déjà considérée comme un classique, il m’est impossible de ne pas aborder ce titre qui reste pour moi le morceau majeur de ce bleu funéraire. Le morceau est précisément décrit par le titre, imaginez un morceau de disco triste. Difficile n’est-il pas ? Pourtant c’est précisément ce qu’est ce morceau, un clown triste. Les ingrédients sont toujours le mêmes mais cette fois-ci, on atteint la perfection, chaque élément sonore trouve sa place pour former un chef d’œuvre. Je parlerai aussi de « Riot In My House » car en tant que grand fan des morceaux de Mark Lanegan au sein de Queens Of The stone Age, j’attendais au moins un titre plus envolé, plus agressif, plus direct et plus basique. Le voilà donc mon coup de cœur. Le titre est imparable avec ses lignes de guitares inspirées et noisy. On retrouvera ce tempo plus rapide et expéditif sur « Quiver’s Syndrome ».

Que dire de plus ? Je ne vais pas user d’avantage de superlatifs mais plutôt vous donner un simple conseil : Pour digérer cet album, il faut prendre son temps, l’écouter de nombreuses fois, ne pas s’impatienter. C’est ainsi que l’on découvrira la puissance des titres les plus passe partout de Blues Funeral, ces morceaux qu’on n’a presque pas remarqué aux premières écoutes et qui pourtant sont de véritables perles.

L’autre force de cet album c’est de piocher ses sonorités aussi bien dans les sixties, les seventies, les eighties et même les nineties tout en paraissant étrangement d’actualité. Sur ce disque, le Mark Lanegan Band nous fait penser tantôt à Blondie, tantôt à U2, aux Cure, à Bloody Valentine ou encore New Order mais aussi dans une autre mesure au Velvet Underground ou aux Stooges.  Mark Lanegan réussit la prouesse de me réconcilier avec des sons de synthés que j’avais même rayés de mon répertoire musical. Notons aussi que le morceau final n’est pas sans rappeler le titre qui clôturait Rated R de Queens Of The Stone Age.

Un album sombre ? Triste ? Oui mais avec la manière. Il est vrai que niveau lyrics, il suffit de lire le nom des titres pour comprendre qu’on ne va pas sortir les cuivres et faire péter le ska festif. Les thèmes abordés restent assez proches les uns des autres et prouve que l’homogénéité peut être une qualité tout autant qu’un défaut pour un album. Dans le cas de Blues Funeral, c’est une incroyable réussite pour peu qu’on adhère au style. L’album n’ennuie jamais et le sentiment d’être en face de quelque chose de sublime, de réfléchi, de fin, de puissant et de personnel suffit à me convaincre. Je le dit haut et fort, je l’assume, Blues Funeral est le meilleur album des 12 derniers mois.  L’un de ces rares albums qui deviendra un classique un peu oublié dans quelques années et que l’on de délectera de citer comme référence ultime. Mark Lanegan sera en France au mois d’Août mais bon, moi je dis ça …

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