#38 Guyom of Devianz

- 26/03/13 17:34

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À quel âge avez-vous commencé à chanter ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de le faire ?

J’ai commencé à chanter vers onze ans grâce à Nirvana. « Polly » est la première chanson que j’ai su jouer à la guitare et chanter en même temps. J’étais super fier, je ne savais faire ni l’un ni l’autre avant ça, donc je me suis entraîné. J’ai grattouillé pour trouver les accords, et les paroles étaient dans le livret de la cassette audio. Je crois d’ailleurs qu’elle reste la seule chanson que je sache jouer dans son intégralité !

Avec le chant vient l’écriture, écrivez-vous vos propres textes ? Si oui, sur quoi aimez-vous écrire ?

Oui, et c’est devenu un besoin avec le temps. Je ne comprends pas qu’on puisse bâcler ses paroles. C’est pourtant l’occasion d’utiliser les mots comme on les utilise rarement dans la vie de tous les jours. Que ce soit en Français ou dans une autre langue, il existe mille façons d’exprimer les choses.
 Du coup, je prends un soin particulier à écrire, en faisant autant attention à la mélodie des mots qu’à leur sens.
 J’écris uniquement sur des choses qui me sont arrivées, des émotions ressenties, des sujets étudiés. Ça peut être le doute, l’amour, la trahison, il y en a même une qui parle d’un orgasme sur « À corps interrompus« . Et j’aime beaucoup introduire des métaphores pour imager le tableau. Dans le deuxième album, il y a de nombreux parallèles entre l’humain et le naturel.

Comment choisissez-vous les titres de vos morceaux ?

J’essaie de trouver un assemblage de mots qui traduit le sens général de la chanson. Parce qu’un titre, c’est encore une possibilité supplémentaire de s’exprimer. Pourquoi ne pas se donner cette opportunité ? Et puis, comme les paroles, il faut que cet assemblage de mots soit mélodieux, qu’il chante de lui-même quand on le prononce.

Quels sont vos chanteurs modèles ?

Ç’a d’abord été Kurt Cobain, c’était un personnage captivant. Nombre de groupes se sont cassé les dents en essayant de copier sa voix, de reprendre ses chansons. Mais on omet une chose simple : il n’avait pas de technique, il lui restait donc l’interprétation. Et outre le son de sa voix, c’est tout l’engagement qu’il mettait dans son chant qui en a fait ce qu’il a été. Il n’y avait pas que sa voix qui saignait, c’était tout son corps qui saignait et qui délivrait son mal-être d’un seul bloc.
 Et depuis trois ans, j’écoute en boucle l’album de Karnivool, Sound Awake. Ian Kenny a le don de faire passer mille choses dans sa voix, sans en rajouter, et toujours en trouvant la mélodie juste qu’on peut fredonner avec lui malgré la complexité de la musique.

Quel est celui qui sort le plus du lot dans la scène française ?

Mmm, je me rends compte que je n’écoute pas tant que ça de groupes français en fait…
J’aimais beaucoup Olivier Depardon de Virago, ce gars a une voix très française, on sent qu’il connaît les limites de son chant et qu’il l’assume. Sa force vient donc plus de ses paroles.
Dans un registre axé « groaaar », Alex Diaz de The Prestige est très fort. Et encore dans un autre registre, c’est la voix de Lucile Montes de June Lullaby qui me transporte complètement depuis l’année dernière. Elle est charismatique malgré elle, c’est un petit bout de femme qui est entourée d’une aura presque palpable sur scène, c’est dingue.

Quel est l’album qui vous a le plus marqué d’un point de vue chant ?

Je dirais que c’est le premier ou le deuxième album de Silverchair. Comme j’ai commencé à chanter avant d’avoir mué, ma voix montait très haut et je me retrouvais bien dans la tessiture de Daniel Johns. J’ai toujours apprécié ce côté calme à une seconde et déchiré à la suivante. Mais une fois qu’il a « trouvé sa voie » et qu’il a abandonné sa jeunesse pour développer cette espèce d’assurance de mâle adulte gerbante, j’ai très vite décroché.

Quel frontman vous a le plus impressionné sur scène ?

Quand on parle de charisme, le premier qui me vient à l’esprit est Reuno de Lofofora : la définition de la bête de scène. Ce type ne peut pas se taire et le public en redemande ! Il m’a scotché : il arrive, impressionnant, il prend le public en le tutoyant et le garde sous son emprise jusqu’à la fin du show.
 Je pense aussi à Matthias Malzieu de Dionysos. Ce type est l’exemple-même de l’exubérance, il ne peut pas s’arrêter une minute, et pourtant il est tout calme une fois hors de scène.
 Dans d’autres genres, Dave Grohl arrive sur scène et devient ton meilleur pote en trente secondes. Hallucinant, il joue de son potentiel amical pour se mettre 10 000 personnes dans la poche. Ou encore Trent Reznor : pas un mot du concert, il enchaîne les chansons, il est stable devant son micro, massif comme un chêne, et c’est impossible de décoller les yeux de lui tant il aspire l’énergie du public.

À qui vous a-t-on déjà comparé vocalement (en bien ou en mal) ?

À Calogero, ah ah ah !! À la sortie du premier album, Una duna in mezzo all’oceano, il est arrivé deux ou trois fois que son nom revienne dans le grand cirque des comparaisons. Je peux t’assurer que je ne m’attendais pas à ça ! Dans l’absolu, je n’ai aucune attirance envers sa musique, mais c’est vrai que sa voix a quelque chose d’intéressant, donc je veux bien prendre ça comme un compliment.

Justement, quel a été le compliment le plus marquant que l’on a fait sur votre voix ?

J’étais alors au lycée, une fille en cours d’arts plastiques qui avait écouté la démo de mon précédent groupe m’a dit qu’elle aurait trouvé superbe que je parle dans la vie de tous les jours comme je chantais sur le disque. Je ne me rappelle plus exactement de sa formulation, mais c’était vraiment troublant.

Avec qui aimeriez-vous faire un featuring ?

J’ai une chance incroyable car la seule personne avec qui j’ai songé faire ça un jour est venue chanter sur notre deuxième album et sur scène avec nous. Il s’agit de Vincent Cavanagh d’Anathema. Sa voix me transporte instantanément, elle est unique.
 Pour la petite histoire, je n’avais pas encore enregistré quand il nous a rejoint en studio, il a donc été le premier à chanter sur le disque. Ce jour a été extrêmement fort. Il a fait une seule prise, elle était parfaite : sensible, chargée d’émotion, puissante. Et le tout en Français alors qu’il ne parlait pas notre langue à l’époque. Imagine la pression quand il a fallu que je chante à mon tour !

Quel est le morceau de votre groupe où vous vous sentez à votre paroxysme ? Celui qui vous rend le plus fier ?

Je dirais que c’est « L’alchimie des sens » qui est un hommage à ma mère. C’est un morceau difficile à chanter, mais quand j’arrive à être à l’aise dessus et que je sens que j’ai transmis l’énergie juste, c’est un véritable moment d’extase.

Donnez-vous un traitement spécial à votre voix avant un concert ?

Avant un concert, je chante à haute voix mais relativement doucement dans les loges. Ce que j’adore par-dessus tout, s’il y a un groupe qui joue avant nous, c’est faire des vocalises sur leurs chansons la porte ouverte ! Ça chauffe et ça fait bosser l’improvisation en même temps.

Quel est votre pire souvenir de concert ?

La pire situation de concert a eu lieu au Floride à Nantes. On était en fin de tournée, je m’étais fait une belle tendinite à l’épaule sur la deuxième date, on avait déjà enchaîné six ou sept concerts d’affilée, et là, on est tombés sur un pauvre gars qui s’est improvisé ingé-son sous prétexte qu’il avait une petite console de mixage. Il a pourri le son de scène, je ne m’entendais pas, il y avait un gros larsen de grave persistent dans la salle, et le type ne faisait rien. Il était assis et donnait l’impression que tout se passait bien. J’avais beau lui faire des signes, il ne bougeait pas. J’ai commencé à débrancher un par un les micros sur scène jusqu’à ce que le gars s’en rende compte. Je n’aurais jamais dû faire ça car le public a subi cette situation. Mais avec la fatigue et le malaise sur scène, je n’ai pas trouvé mieux. Plus tard dans la soirée, il est venu me voir, tout bourré, pour me demander si j’avais apprécié le concert et dire qu’il était content du boulot qu’il avait fait. J’ai gardé mon calme…

Avez-vous des conseils à donner aux jeunes qui veulent s’aventurer comme frontman ?

C’est difficile de tenir un public en laisse pendant une heure et demi. Il y a des gens qui excellent dans l’art de s’exprimer devant une foule, le temps mort entre les chansons est une tribune pour eux. D’autres brillent par leur réserve dans ces moments car c’est une respiration avant de se donner à nouveau à fond dans le morceau suivant. J’ai l’impression que c’est comme ça que j’agis. Je ne suis pas un orateur, du coup je me recentre entre les chansons pour pouvoir donner tout le sens à la suite.
Bref, il existe plein de façons d’être un frontman, l’important étant d’exprimer sa propre personnalité et de savoir dire merde quand on entend dire qu’il faut plutôt faire ceci ou cela, ou dire telle ou telle banalité. Tant que l’attitude va avec le reste du groupe et l’esprit de la musique, pas besoin de pourrir ce grand moment de plaisir en se forçant à faire du marketing.

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