#12 Defeater’s Discography pt.2: Empty Days

- 11/10/13 12:50

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Empty Days (& Sleepless Night) est le deuxième album de Defeater et se déroule en parallèle de l’histoire de Travels. Le récit débute juste après les évènements du morceau « Forgiver Forgetter » dans l’album Travels mais du point de vue du frère aîné, qui lui ne reprochait rien à son père désormais décédé de la main de son petit frère. J’ai décidé de ne parler que d’Empty Days et non de l’EP acoustique Sleepless Nights qui est sur la même galette puisqu’il explicite différentes choses qui s’impliquent différemment dans la narration. Sleepless Night et l’EP Lost Ground feront probablement l’objet d’un seul article sur les ‘side-tracks’ de l’histoire.

À la fin de chaque album je vous laisserai un florilège des phrases que l’on peut trouver dans leurs textes et qui m’ont paru les plus marquantes, les plus emblématiques, ou encore les plus poétiques.

Retrouvez la partie 1 ici.

 

 

Empty Days:

L’histoire

Son frère ayant fugué, l’aîné que l’on appellera Jim se retrouve seul à devoir enterrer son paternel puis s’occuper de sa mère. Hélas la mort de son père ne lui a pas laissé que du chagrin, il hérite également de ses énormes dettes de jeu qui le poussent à aller travailler sur les docks. Comme son père et parallèlement son frère il devient alcoolique mais réussi à se trouver une épouse. Il confronte alors le bookmaker à qui il doit de l’argent pour lui signaler qu’il ne paiera plus mais se fait tabasser. Blessé il rentre chez lui pour y découvrir le corps sans vie de sa femme, le prix à payer pour ne plus avoir le bookie sur le dos. Il délaisse de plus en plus sa mère au profit de la tombe de sa défunte femme, qui finit par décrépir et mourir de son addiction. Enfin Empty Days se recoupe avec Travels lorsque les deux frères se confrontent pour le final que l’on connait.

 

Les paroles

L’opus commence avec une phrase prononcée par la mère de famille : « Dear god what have you done ? » lorsque le père s’est affalé mort sur le sol. Cette phrase résonne dans la tête de Jim alors qu’il est toujours sonné par ce qu’il vient de voir et par une certaine phrase prononcée par son frère (sur laquelle on reviendra plus tard). « Warm Blood Rush » consiste finalement à nous montrer les réactions à chaud de Jim lors des évènements de « Forgiver Forgetter », lorsqu’il voit son père assassiné et qu’il est le témoin de la fuite en train de son cadet (« Those same rail ties where you dodged those trains »). Dans la continuité il y a « Dear Father » – peut-être le morceau le plus connu de Defeater – qui raconte les funérailles et les honneurs qui sont faites à ce héros de guerre par ses anciens collègues de l’armée, hommages présentés à Jim qui ne peut mettre sa rancoeur et sa soif de revanche de côté, même en ces temps de recueillements.

On comprend alors qu’il va devoir s’occuper de sa famille, et donc travailler d’arrache pied pour non seulement entretenir sa mère qui ne fait rien d’autre à part planter des aiguilles dans son bras, mais aussi éponger les dettes de jeu que son père lui a laissé. Dans « Waves Crash, Clouds Roll » il livre son ressenti sur la situation de sa mère, qu’il sait perdue d’avance même si il se refuse à la laisser tomber (« You know she is gone, you know there’s no saving her »). C’est à elle qu’il pense lorsqu’il contemple l’océan lors de ses pauses, mais pas pour longtemps puisqu’il finit par rencontrer une femme au Copper Coin, un bar qu’il fréquente chaque soir après son labeur. C’est la demoiselle la plus incroyable qu’il eût rencontré jusqu’à lors, un simple regard lui suffit pour qu’il trouve la force de s’asseoir à sa table afin de lui offrir un verre (« The way she looked at you […] and that’s all it took »). Quelques années plus tard, disons trois ou quatre ans selon la chronologie de l’histoire, il finit par lui demander sa main, ce qu’elle accepte sans hésitation (« years later she took your name »). Cependant, même si il a toutes les cartes en main pour apporter de nouveau un peu de clarté à son existence, la rancoeur que Jim a envers son frère le gangrène, ce qui commence à atteindre sa femme (« damn that pier where you sit, damn your vengeance for him »). Elle ne trouve plus dans les yeux de son mari celui qu’elle a connu des années plus tôt au point de ne plus se sentir chez elle à ses côtés (« this ain’t no kind of home »). Cette dispute dans le morceau « No Kind of Home » est immédiatement suivie par la fuite de Jim vers le Copper Coin dans « White Knuckles », où tout va basculer. Aveuglé par sa colère, la pression qu’il se met, les reproches de sa femme, l’addiction de sa mère et le deuil de son père qu’il porte encore sur le visage, il saisit une opportunité pour frapper le bookmaker (« Your fists clench with the blood rush, white knuckles when the hit lands ») avant de se faire allonger par les hommes de main de ce dernier. L’ivresse de cet homme devenu alcoolique a profondément obscurci son jugement, et ce même si ses motivations étaient nobles : se libérer du joug d’un malfrat afin de pouvoir vivre en paix avec sa famille. « I am settling no debt » (je ne règlerai pas de dette) lui dit-il avant de lancer son poing, « shamed by the loss and defeat » (honteux de la défaite) est ce qu’il est en titubant pour rentrer chez lui (« Stumble home from the bar »). Hélas pour lui le bookie l’a entendu et a accepté d’annuler la dette de son père…mais pour un prix qu’il n’était pas prêt à payer, la vie de sa pauvre épouse (« her ring lies in the thick red »). Impossible pour lui de ne pas s’en vouloir et de ne pas s’accuser (« Dear god, what have I done ? ») alors qu’il ressent à nouveau cette souffrance qu’il ne voulait plus jamais connaître, ce sentiment de perte, de vide, d’absurdité également, cette douce mélopée qui court le long de vos joues en vous disant que plus rien ne sera comme avant : « Your teeth clench, then the pain comes » (vous serrez les dents, ensuite vient la souffrance).

Rongé par la culpabilité, il continue sa vie insipide en travaillant aux docks puis en allant boire à s’en rendre malade au Copper Coin (« you drink till you’re sick »). Une fois ivre il rend visite à sa femme au cimetière, soir après soir après soir (« climb those cemetery walls again ») pour tenter de s’acquitter de sa dette envers la vie, exprimant les ‘remords du survivant’ (« that sould have been me »), et remettant une fois de plus la faute sur Jack, son frère :« two in the family plot, when you wish it were three » (ndr : bien qu’il soit fort possible qu’il parle de lui même dans cette phrase en désignant cette troisième personne, son amertume envers son frère est tellement forte que je pense cette piste plus que plausible). La malchance le poursuit ensuite dans « Quiet the Longing » puis « At Peace », puisque ces deux morceaux racontent comme sa mère se décrépit (« you’re mother’s worth than you think ») au point qu’elle même veuille en finir (« your mother is praying for death much more than you know »). Elle finit d’ailleurs par fuguer elle aussi (« you’re in the house all alone », « you’ve got to find her ») ; mais Jim est bien décidé à ramener la seule famille qui lui reste à la maison. Hélas une fois arrivé devant l’église à la grande porte en chêne blanc (« Up to that old white oak door church ») il est déjà trop tard : Your mother is gone. Elle s’est laissé mourir dans un lieu hautement symbolique pour elle, la demeure du dieu qu’elle a toujours prié bien qu’il ne lui soit jamais venu en aide. Il l’enterre dans le caveau familial (« finally at peace with her husband now ») puis passe chaque journée sans savoir si oui ou non il se suicidera (« So you sit in that chair waiting for death, barrel to your head »).

Nous y sommes, l’épisode final, le dernier morceau « White Oak Doors » qui voit Travels et Empty Days se recouper. L’action a déjà été expliquée dans l’analyse de « Debts » (dans la partie 1), mais j’avais dit que des précisions seraient apportées, voici donc le déroulement des actions selon le point de vue de Jim. Alors qu’il attend patiemment la mort dans son fauteuil Jack frappe à la porte, il le reconnaît immédiatement, le fait entrer puis laisse sa fureur l’emporter. Tout ce qu’il a ressassé pendant toutes ces années peut enfin ressortir, ce moment il en a rêvé tellement souvent que son discours est presque récité. Sa haine c’est son combat, sa mort c’est la ligne d’arrivée. Il lui parle de la mort de sa mère puis l’emmène sur les chemins de fer le barillet sur le crâne en passant devant l’église et les docks, afin de fini là où tout a commencé. Je m’arrête un peu ici pour souligner la maestria avec laquelle l’action qui mène simplement du fauteuil à la porte est racontée, tout en douceur, action par action, plan par plan, inspiration par inspiration,  jusqu’à la découverte de l’identité de l’homme qui frappait, là où tout s’accélère. Il lui laisse le choix entre mourir écrasé par le train ou avec une balle dans le crâne. Seulement, probablement dû à l’alcool qu’il avait dans le sang il se fait subtiliser son arme, laissant le loisir à Jack qui n’était pourtant pas revenu pour éteindre sa lignée, d’appuyer sur la détente. Jim confesse finalement qu’il est heureux d’aller retrouver sa femme, afin d’être lui aussi enfin en paix : You’ve been waiting for this, for the coward or for death, just to see your wife again.

 

Coward

À de (très) nombreuses reprises il est fait mention du mot coward dans les paroles de Empty Days, c’était déjà le cas dans Travels, mais ici le terme est beaucoup plus haineux mais aussi beaucoup plus significatif. En effet dans Travels le terme était plus synonyme de chamailleries entre les deux frères, qui comme tous les frères sont plus du côté amour vache que amour tendre ; en revanche ici le terme est utilisé pour qualifier le comportement de fuyard que Jack a eu après avec commis son crime. Le mot est utilisé une dizaine de fois dans les douze morceaux, et ce toujours pour caractériser le comportement de Jack. Si on analyse plus profondément la situation on peut sans doute se dire que coward ne devient rien de plus qu’une justification hasardeuse pour expliquer chaque mauvaise chose qui arrive dans la vie de Jim, puisqu’à chaque moment clé où son existence sombre un peu plus dans les enfers, il s’en retourne vers le départ de son frère, qu’il considère comme seul et unique cause de tous ses malheurs. Bien qu’en un sens ce puisse être perçu comme vrai, une telle affirmation provient de quelqu’un qui nie totalement sa part de responsabilité des choses, et qui de facto ne saurait trouver la force d’avancer de part à son incapacité à vivre dans le présent.

 

God & Mom

Également présente dans Travels, la relation que la mère a avec la religion est particulière. Elle prie toujours autant, et place elle aussi sa propre responsabilité dans les mains de quelque chose qu’elle ne contrôle pas. Il est également fait mention à plusieurs reprises d’un chapelet (rosary) qu’elle tient auprès d’elle, et avec lequel elle prie chaque jour. Elle finira par prier pour la mort, et s’éteindra de façon hautement symbolique, sur l’autel de celui qui l’a abandonné, et qui ne l’a visiblement jamais aimé. Comme pour coward on pourrait s’étonner du manque de recul sur sa propre situation de cette femme qui malgré son addiction, son fils meurtrier et son mari alcoolique/violent va tout de même remettre son sort entre les mains de dieu.

 

Forgiver Forgetter

Enfin cette phrase qui est également le titre du morceau où le père est assassiné est prononcée par Jack au moment où il donna le coup fatidique. Cette même phrase (qui veut dire « je ne pardonne ni n’oublie ») est ressassée par Jim et elle est symboliquement prononcée à nouveau lors de la rencontre finale des deux frères : « You’ll never forgive him, and you never did forget ». La boucle est bouclée.

 

Best parts

« Can you feel that soil covering your coffin ? » – (« Dear Father »)

« Years later she took your name hopeful and unafraid. Your gut sinks each time you see her » – (« Empty Glass »)

« Damn that pier where you sit, damn your vengeance for him » – (« No Kind of Home »)

« With the blackout and the bloodstains your teeth clench then the pain comes » – (« White Knuckles »)

« As the sun’s coming up, watch a funeral pass » – (« Cemetery Walls »)

« So quiet when the pain comes, your mother’s rosary ain’t bringing father home » – (« Quiet the Longing »)

« Your mother is praying for death much more than you know » – (« Quiet the Longing »)

« Sleepless nights with the dirt when the addiction hurts » – (« At Peace »)

« I’m going to take your life it don’t feel like enough » – (« White Oak Doors »)

« If this is how i’ts going to be I’d rather die at the hands of my own family » – (« White Oak Doors »)

 

Best songs

Bien que « Dear Father » soit le morceau le plus aboutit de cet album, c’est bel et bien « Quiet the Longing » qui parvient le mieux à jumeler la poésie et la sensibilité sonore du groupe en une seule piste. Mention tout de même à « White Oak Doors » qui est un modèle de narration en chanson.

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