The Holiday Chronicles : Greenfield Day One ; Jon Lajoie, des boobs, un ours et des feux d’artifices

- 22/06/13 14:40

Greenfield Flyers

-T’es en retard

-Non on avait dit 5h30

-J’avais dit 5h on part, t’avais dit 5h15 devant chez moi, et il est 35, t’es en retard. De toute évidence le Greenfield n’est pas assez « cool » pour que tu daignes être à l’heure.

-Ça va, ça va

-Prends la glacière et fous ça là avant que le jour se lève

Deux jours plus tôt j’apprenais que j’avais enfin en poche mon premier diplôme d’études supérieures, et que je n’avais de ce fait plus aucune attente à combler scolairement parlant, mon seul soucis dans la vie étant de parler, d’écouter et de faire de la musique. La dernière fois que j’ai foutu le cul dans une caisse pour n’en ressortir que huit heures après c’était en 2009, je venais d’avoir mon bac (oui j’ai mis du temps pour avoir ma licence mais je vous merde) et j’allais en Espagne me faire dorer le jonc. J’occulte avec allégresse le voyage universitaire de trois jours à Londres avec un prof mi sino-mexicain mi pervers, terrorisant les filles du dortoir à coup de batailles de polochons surprises dont il était curieusement le seul participant. Premières vacances en quatre ans donc, mais également premières vacances réellement méritées, car nom de dieu j’en ai bavé pour me sentir comme un homme libre de toute oppression, comme un homme fier de ce qu’il a accompli et enfin comme un homme qui peut laisser ses instincts les plus bestiaux s’exprimer au gré de sa volonté.

Départ 6h, direction Interlaken dans la Suisse allemande à bord d’une clio au semi abandon chargée de boissons et de chips pour huit personnes, alors que nous ne sommes que deux. Le deuxième c’est mon meilleur pote, sur qui ma passion musicale a violemment déteint, mais qui, hélas pour lui, n’y connait pas grand chose, ce qui me permet en revanche d’être le maitre de cérémonie incontesté durant notre séjour. En tant que maniaque du contrôle, c’est une place non négligeable.

Dix heures plus tard, grâce à un GPS qui persiste à vouloir nous foutre au péage ou sur des routes qui visiblement n’existaient qu’à l’intérieur de son esprit malade, nous arrivons à Interlaken, petite bourgade placée entre deux immenses lacs, et au centre d’un massif montagneux des plus impressionnants. Comme dirait ce bon vieux Merlin : « L’imposant le dispute à la majesté ». Garés en bataille dans les champs, c’est en entendant les teutons brailler de leur voix si suave et chantante que je me rends compte du fossé communicationnel qui va se creuser entre nos deux civilisations. On a déjà raté pas mal de groupes, dont The Ghost Inside et Gallows, mais nous nous sommes conjointement fixé une règle : nous sommes ici en vacance, et rien, mais alors rien, ne viendra altérer notre enthousiasme, et comme ni lui ni moi ne faisons de l’argent une source de conflit ni même une préoccupation, peu importe que l’on ne voit que deux groupes par jour pour plus de cent balles chacun, du moment que l’on est bien.

L’épopée va débuter avec un groupe que je me languissais de revoir depuis le Hell on Earth 2010, les biens nommés Every Time I Die. Le temps est venu de sortir les billets de monopoly du larfeuille (sans déconner les suisses c’est quoi ces billets…) pour ouvrir le compteur à bières (ne vous emballez pas il restera bloqué à une par jour, ce qui m’a momentanément rassuré sur mon alcoolisme notoire des week end conviviaux). Je suis antisocial, je n’aime globalement pas les gens, et je suis l’inverse de la complaisance. À priori, la convivialité et les festivals c’est pas trop pour moi, mais lorsqu’il s’agit de musique je serai prêt à braver tous les interdits, surtout pour un line-up et un cadre comme celui dans lequel je me trouve. Lorsque l’on s’assoie devant la Club Stage, on se doit de se la redire une petite fois : l’imposant le dispute à la majesté. Face à ce genre de spectacle, et sous une chaleur torride, on se rend compte de la petitesse de sa propre existence, et on s’attriste que les gens ne prennent plus le temps de contempler les choses qui sont sous leurs yeux, et qu’en y mettant chacun du sien on pourrait…ah bah tiens les voilà qui montent enfin sur scène, me coupant dans mon monologue interne.

-Tu sais qui c’est Jon Lajoie ?

-Non

-Tu mattes Vampire Diaries ?

-Non

-Bah le chanteur ressemble à Jon Lajoie et Alaric des Vampire Diaries…

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Il est encore tôt et rares sont ceux qui se précipitent sur le devant de la scène pour soutenir ledit Jon et sa bande qui feront pourtant monter en flèche mon enthousiasme. C’est à partir de « Underwater Bimbos From Outer Space » que j’entre réellement dans le festival, contemplant avec envie les cris purs et puissants de Keith Buckley. Je suis content de les avoir vu même si ce n’était pas démentiel, car malgré tout ils m’ont sorti de ma torpeur, m’ont mis en confiance grâce à leur panache naturel. Vive le southern hardcore.

Setlist :
Bored Stiff
Partying Is Such Sweet Sorrow
Apocalypse Now and Then
Underwater Bimbos from Outer Space
Holy Book of Dilemma
The Marvelous Slut
No Son of Mine 
(With Pantera « Domination » outro)
The New Black
Typical Miracle
Ebolarama
We’rewolf
Floater

Yeah super on doit traverser tout le domaine pour aller voir ce qui se passe de l’autre côté, je n’ai pas pris le programme que j’avais fait et visiblement c’est le seul festival qui ne donne pas de petits paplards aux visiteurs. Qu’à cela ne tienne, je reconnais assez vite Anti Flag sur les écrans géants du Main Stage (il n’y a que deux scènes). Ce n’est pas un groupe qui me passionne, et je vais avoir tendance à me perdre dans mes pensées assez rapidement, constatant quelques personnes un peu hors-sujet dans la foule, des gens avec des t-shirts We Butter The Bread With Butter, Cattle Decapitation ou Kreator ; quant à moi j’arborais fièrement mon tees tout neuf estampillé Checkmate, car ce n’est pas parce qu’on est en vacance qu’on ne doit pas soutenir et exporter sa scène. Petit aparté.

-Ce qui est cool c’est qu’on peut dire n’importe quoi sur n’importe qui ils ne nous soupçonneront jamais.

-Ouais….le syndrome du type en vacance à l’étranger qui cherche avant tout à savoir si il peut insulter gratuitement les gens en toute impunité.

-Ça me paraît essentiel

Deux pas en avant plus tard, on se reconnecte avec le chanteur d’Anti Flag qui affiche son soutien au peuple turque qui se bat pour la paix, avant de nous enfiler « Fuck Police Brutality » et « This Is The End ». Ce qui m’a fait réfléchir sur ce que transportait les américains dans leur musique, ils font clairement parti d’un mouvement ultra pacifiste et humaniste, des keupons qui après vingt-cinq ans de carrière essaient encore de changer le monde avec de la musique, moi je trouve ça beau. Des middle fingers, des peace signs, un cover de « Should I Stay » des Clash et paf il est temps de s’allonger dans l’herbe. J’ai décidé qu’on ne verrait pas Graveyard car A Day To Remember arrivait incessamment sous peu. Du coup on se choppe deux bouteilles d’eau parce que cette chaleur nous fait cuire dans notre jus, seulement l’eau en Suisse ça n’existe pas, à mon grand désarroi, il n’y a que de l’eau « qui gratte » comme disent les générations antérieurs à la notre. C’est pas bon…

Le public du festival va rapidement mettre en exergue deux communautés, celle venue voir les groupes punk, et celle venue voir les groupes de metalcore/hardcore. Je ne dis pas qu’on ne pouvait qu’être dans l’un ou l’autre, mais d’un concert à l’autre, d’une scène à l’autre je retrouvais les mêmes têtes, les mêmes crêtes colorées, les mêmes tatouages sur le torse (cœur/rose/diamant, avec des ailes bien entendu), les mêmes pucelles en chaleur, les mêmes viandes saoules. Les gens ivres on en reparlera, ceux qui sont restés scotchés aux bars – et des bars il y en avait une paire – et n’ont vu aucun concerts, ceux qui dès le mercredi soir avaient déjà atteint la limite du raisonnable niveau alcoolémie. Pour A Day to Remember les grands gagnants sont….(roulements de tambours)…..les pucelles écervelées bien entendu, on les félicite chaudement, vous gagnez une encyclopédie hachette sur le cycle menstruel des autruches.

Je suis un très grand fan de ADTR, mais il faut admettre qu’en live c’est spécial, et encore plus ce live là. Avant le show on discutait du concert d’Halloween au Bataclan, auquel j’avais emmené le pauvre mécréant qui me sert de meilleur pote, et qui n’avait – au grand jamais – autant sué de sa vie tant le concert avait été intense et houleux. Souvenirs souvenirs. Le problème avec ADTR en live, et qui n’en est pas vraiment un c’est bien entendu McKinnon, car sa façon de chanter diffère énormément des enregistrements. On sent qu’il minimise les efforts pour ne pas se fatiguer, ce qui le pousse par exemple à ne pas articuler les parties claires, et à presque chanter en phonétique ; son scream en revanche était irréprochable. Je regarde autour de moi et je constate que presque toute la foule s’y reconnaît, presque ? Oui, car un irréductible suisse refuse de se plier aux jump ups autour de lui ; il se contentera de fumer avec fumisterie sa clope déjà éteinte sans ne serait-ce que cligner des yeux. Je pense que si je l’avais pousser avec un doigt il serait tombé raid mort. C’était un meuble, mais un meuble caisse.

Pour ce qui est du show en lui même : je me désole que TDWP n’ait pas été programmé le même jour pour que Mike place son feat sur « I’m Made of Wax Larry, What Are You Made Of ? » ; les parties où Jeremy et ses deux gratteux hurlent en même temps font très très mal ; une contributrice généreuse a montré ses boobs sur écran géant pendant que je tournais la tête (« I don’t know how to respond to it » déclara McKinnon) ; et enfin mais là je vais prendre plus de temps, la setlist était très décevante. Certes j’étais content d’entendre « Violence » qui est vraiment énorme, mais occulter « Mister Highway », « Monument » ou « The Danger In Starting a Fire » relève du scandale. Déjà, même si c’est un single je milite pour dégager « All I Want » qui ne me paraît pas indispensable, pareil pour « Have Faith In Me » ; et même si le set a été dynamique grâce aux morceaux violents comme « 2nd Sucks », « A Shot In The Dark » ou « Why Walk on Water When We’ve Got Boats », je reste globalement déçu des choix qui furent faits.

Setlist :
Violence (Enough Is Enough)
2nd Sucks
A Shot in the Dark
I’m Made of Wax, Larry, What Are You Made Of?
My Life for Hire
All Signs Point to Lauderdale
All I Want
Have Faith in Me
Why Walk on Water When We’ve Got Boats
The Plot to Bomb the Panhandle
The Downfall of Us All

Histoire qu’il ne soit pas perdu j’avais fait à mon pote un petit résumé de chaque groupe qui passait afin de l’initié préalablement à ce qu’il allait prendre dans la tronche. Lorsqu’il y a trois ans on écoutait NRJ, Mylène Farmer et Ina, même avec la meilleur volonté du monde on ne peut pas tout aimer du premier coup. Quand bien même j’ai réussi à le transformer en un fan de La Dispute, The Devil Wears Prada et Birds In Row, Converge allait surement être too much pour lui. J’avais donc prévenu : « Un jour tu me remercieras de t’avoir fait aller voir ce groupe, tu ne le remarqueras pas tout de suite, mais Jacob Bannon est un Dieu parmi les mortels et la mesure de son génie ne sera comprise que par les générations futures ». Peut-être aussi que j’essaie de me convaincre tout seul de ce genre de choses, peut-être que mon pote est une invention de mon esprit, peut-être que je suis un malade qui mérite d’être enfermé et peut-être que j’aime discuter tout seul devant un miroir en en prenant des voix différentes. Peut-être aussi que rien n’existe et que je suis le créateur de toute chose. Peut-être aussi que je bois un verre de ma propre urine tous les matins….

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En tout cas je célèbre avec un stoïcisme affligeant ma première fois devant Converge en live ; mais c’est avant tout parce que je suis absorbé par un Jacob qui porte bien son nom car il est tel un prophète devant ses ouailles, bien que je m’afflige que si peu de gens soient venus pour eux. Ce type est époustouflant, entre sa voix d’asthmatique et ses cris d’ours, jumelés à l’énergie qu’il dégage, je ne peux que me pincer le prépuce pour éviter de mouiller mon caleçon tout neuf. Comme pour Anti-Flag, le mec va tout faire pour promouvoir sa pureté à travers son art, demandant aux gens de faire attention à ceux qui tombent dans le pit, et en essayant même de calmer le jeu entre deux personnes qui commençaient à se battre. La violence oui, mais la violence musicale. J’ai également décidé de militer pour que les riffs de « Aimless Arrow » soient gratifiés du titre honorifique de riffs de la décennie.

Setlist (approximative) :
Dark Horse
Eagles Become Vultures
Aimless Arrow
Worms Will Feed/Rats Will Feast
Concubine
Cutter
All We Love We Leave Behind
Trespasses
Axe to Fall
Last Light

Il est temps de voir à l’oeuvre ce qui est probablement le groupe de metalcore le plus populaire au monde, et les types les plus en or que j’ai pu rencontrer : Parkway Drive. Peu convaincu au départ par leur dernier opus Atlas, le temps a fait de cet album un réservoir à bon son. Je ne suis pas un grand fan de l’humanisation des notions de destin, de providence ou de prophétie, je préfère les laisser aux légendes et aux mythes ; mais là il faut admettre qu’il y avait du jugement divin dans l’air pour ce qui sera l’un des meilleurs show du festival.

Le temps s’est assombri, le ciel bleu qui nous surplombait s’est recouvert de nuages blancs, mais un à un ils se sont noircis. L’espace d’un instant le temps s’arrête, mais la respiration elle s’accélère, le sample de « Sparks » retenti, les gens s’agglutinent, l’affluence du Club Stage a dépassé celle de la Main Stage, le temps reprend son rythme normal lorsque les australiens arrivent sur scène, toujours affublés de gigantesques sourires. Comme à son habitude Winston McCall déverse sa rage dans le micro, monstrueusement bon qu’il est, fidèle aux versions studios qu’il est, toujours étonné de son propre succès qu’il est. Hélas ils ne sont pas suffisamment haut sur l’affiche pour être venus avec leurs artifices habituels : ballons, animaux gonflables et autres bodyboards ; du coup ce sont les fans qui s’en sont chargés. J’entends tout un raffut derrière moi, je tourne la tête vers la droite en admirant au passage la montage, puis j’aperçois cinq mecs trottinant avec les bras tendus au dessus de la tête, en train de porter un palmier. Ce palmier deviendra un centre d’attention puisque Winston demandera au public de faire un circle pit autour du végétal, qui prendra d’ailleurs assez cher au fil du temps.

Je suis tout ému de voir que les morceaux d’Atlas sont parfaits en live, « Dark Days » est absolument fabuleux et « Wild Eyes » ne manquera pas de nous faire chanter à tue-tête. On n’oubliera pas les classiques « Idols And Anchors » et « Home Is For The Heartless », émotionnelles comme jamais, et qui me rendent fier au plus profond de mon être de me considérer comme un membre de la famille Parkway Drive. Le show aura sa dose d’anciens morceaux entre « Boneyards », « Dead Man’s Chest » et « Romance Is Dead » ; quant à moi j’ai eu droit à mes bébés « Karma » et « Deliver Me ».

Et si je revenais enfin sur le côté mystique du show dont j’ai narré les mérites tout à l’heure. Si vous avez déjà fait des fest, vous avez surement déjà vécu un concert sous la pluie, ou sous un orage ; mais un orage en montagne c’est autrement plus anxiogène, car quand ça tape, ça tape fort. Au milieu du set, les nuages noires qui s’avançaient sont devenus une réalité, le vent soufflait sur nous ses bourrasques les plus belliqueuses, et la pluie imminente a fait de nous des guerriers apeurés, cherchant du regard nos comparses en leur faisant comprendre que non, nous n’y survivrions probablement pas. Que dire alors de la puissance mythologique, et de l’ampleur symbolique qu’a pris « Dark Days », un morceau parlant de la nature que nous avons détruit et des terres que nous avons brûlé, pendant que le ciel se rebelle sous nos yeux et que l’apocalypse semble être imminente. Et puis un instant vint, où le ciel se rappela qu’il existait des hommes bons, des hommes qui faisaient des choses bonnes, et pour les bonnes raisons, des hommes qui transmettent un message positif. Les Dieux ont compris sur « Home Is For The Heartless » que nous n’étions pas tous à abattre, et qu’un salut était encore possible pour nos âmes ; un trou ainsi se forma autour des plaines d’Interlaken, ramenant momentanément le soleil, et écartant la noirceur. Ils reviendront en Europe en octobre.

-C’était énorme vieux

-C’était démentiel…

Setlist :
Sparks
Old Ghost / New Regrets
Sleepwalker
Karma
Wild Eyes
Boneyards
Idols and Anchors
Dead Man’s Chest
Dark Days
Deliver Me
Home Is for the Heartless
Romance Is Dead
Swing
Carrion

Durant la marche vers la Main Stage j’y pense, pendant que j’essuie les gouttes de pluie qui tombent sur mon front j’y pense, et même quand je m’assoie honteusement au sol au lieu de rester debout comme un grand et de voir la scène j’y pense. Cette chronique de CellarDoor.

-C’est quoi comme groupe ça ?

-Queens of the Stone Age

-C’est cool ?

-Je m’en tape un peu mais je vais me forcer à écouter parce que c’est quand même pas mal et un des chroniqueurs a fait un plaidoyer long et habité pour que leur dernier album soit album du moment sur le site. En plus il a fait une chronique de quatorze pages et il lui a mis 5/5. C’est intriguant non ?

Et ainsi commença le périple aux tréfonds de QOTSA….sauf qu’ils ont déjà commencé et qu’il ne leur reste que trente minutes de show…le pire c’est que je me sens réellement désolé pour Cellar qui, je le savais déjà avant d’écrire ces lignes, serait client de cette partie du report. Mais finalement qu’il aille se faire enculer. Honnêtement je les ai trouvé vraiment pas mal, avec un son très progressif, et ils ont également comblé l’une de mes attentes, celle d’utiliser le grand écran blanc qui était sur la scène et qui me perturbait depuis le début de journée, bon certes c’était pour y foutre les mêmes images de corbeaux en boucle mais au moins l’objet était utilisé. La deuxième partie du set avait l’air très instrumentale, ou alors le son portait mal, mais j’entendais de longues pléiades mélodiques parfaitement agréables. Hélas c’est ce que je vais oser appeler tout en m’excusant intérieurement à leurs nombreux fans, de la musique de fête de la musique. Je prends du plaisir à l’écouter, j’ai aimé l’avoir en fond sonore, mais je ne me déplacerai pas uniquement pour les voir, ils étaient là tant mieux, ils ne l’étaient pas tant pis.

Mine de rien c’était cool, et ça nous a donné l’occasion de voir l’idiot du jour. Nous sommes en hauteur, en montagne, entourés de lacs, il y a un orage assez massif qui se prépare et l’on entend/voit les éclairs pourfendants le ciel à quelques centaines de mètres. Au mépris de toute logique, un individu se ballade avec un gigantesque casque pointu fait d’aluminium : ceci est une mauvaise idée. Au moins si ça tombe dans les alentours on saura que c’est lui qui va prendre avant les autres.

Setlist :
Keep Your Eyes Peeled
You Think I Ain’t Worth a Dollar, but I Feel Like a Millionaire
Sick, Sick, Sick
First It Giveth
No One Knows
My God Is the Sun
The Vampyre of Time and Memory
Go With the Flow
I Sat by the Ocean
Make It Wit Chu
If I Had a Tail
Burn the Witch
Little Sister
A Song for the Dead

On refait le voyage dans l’autre sens pour vingt minutes de Stone Sour avant l’attraction de la soirée. Ce qui nous donne l’occasion de voir que 75% des gens ont un imperméable donné par le festival, mais que nous visiblement on peut aller se faire mettre ; je suis complètement frigorifié et muni d’un simple t-shirt et d’une veste en jean sans manches, j’ai les bras gelés, et le corps entier trempé. Si je sautille et danse dans tous les sens ce n’est pas parce que je suis transcendé par la musique de la bande de Corey, mais bien parce que je dois me réchauffer, et honnêtement j’ai tellement froid que je ne prête pas tellement attention à ce qu’il font, surtout qu’ils nous servent d’alibi en attendant Rammstein.

Ce que je trouve drôle c’est de voir que Corey Taylor de la sorte, avec sa tignasse blonde dégueulasse, son vieux t-shirt moisi, sa petite bedaine et ses airs de fermier texan, il n’en mène pas large, alors que le même type avec un masque sur la tête est un Dieu vivant dans Slipknot. D’ailleurs je lui préfère sa voix chez les hommes masqués qu’ici, qui est moins agressive pour le peu que j’ai entendu. De toute façon Stone Sour je n’ai jamais réussi à me mettre dedans, et le contexte fait que ce n’était toujours pas le bon moment pour moi. Sur le chemin vers la Main Stage on croise des gens morts, ou en fin de vie, allongés sur le sol, le nez rouge et la bedaine bien visqueuse, la main toujours autour de leur verre de bière, ces gens sont évanouis ou endormis, et ils me font sourire.

Setlist :
Gone Sovereign
Absolute Zero 
Mission Statement
Made of Scars
Do Me a Favor
RU486
Say You’ll Haunt Me
Bother
Through Glass
Get Inside
30/30-150

Nous y voilà, la conclusion de cette dernière journée, elle se fait sous une tempête, et c’est vachement la classe. Deux types derrière moi :

-Ils vont arriver en retard comme toutes les stars

-Ouais mais non c’est des allemands

-Ah ouais ils vont arriver avec cinq minutes d’avances du coup

Les clichés me feront toujours rire plus que de raison. Et mine de rien ces deux freluquets ont eu raison puisque c’est pile à l’heure que des feux d’artifices – pas grandioses mais de bon aloi – illuminent la nuit noire, ce n’est pas un spectacle sons et lumières de Jean-Michel Jarre mais pour l’instant nous n’avons que cela à nous mettre sous la dent. Arrive alors Till Lindemann en doudoune rose, descendant du ciel venu nous délivrer ses petits cadeaux. Une quinzaine de minutes plus tôt :

-J’espère qu’il y aura plus de communication, étant donné qu’ici on parle allemand ça devrait être plus dynamique que sur les autres tournées que j’ai regardé sur youtube

-Je ne sais pas trop, je connais pas tellement tu sais…

Une heure trente plus tard je sais, je sais pourquoi Rammstein n’est pas bavard, et je sais aussi que ce n’est pas de la musique que je viens de voir. J’avais pour dire vrai déjà réfléchi à la chose depuis quelques temps, ce qui sépare le concert du spectacle, et ce que l’on a vu ce soir tient purement et simplement du spectacle, c’est du cirque en musique, presque une comédie musicale. Ce qui fait que l’on exclut quasi-totalement la participation du public car à partir du moment où l’on fait participer des gens extérieurs, on sort de nos personnages, on sort de nos rôles, on reconnaît que ce que l’on fait n’est pas réel et symboliquement on casse tout ce que l’on a construit pour sombrer dans la réalité, alors que le but d’un spectacle c’est justement de faire oublier la réalité, de se projeter au delà des perceptions établies, bref de rêver. Par analogie les musiciens de Rammstein sont donc plus des acteurs, comme en témoignent les petites scènes entre Till et le claviériste qui se fait victimiser (mais qui passe quand même une heure et demie à marcher sur un tapis roulant).

N’étant pas connaisseur des teutons j’ai été pendant ce show en constante recherche de repères, focalisant mon attention sur Richard Kruspe avec lequel je suis le plus familier grâce à Emigrate ; mais également grâce aux « classiques » dont on a tous entendu parler : la pyrotechnie à gogo (personnellement j’adore ça, un vrai gosse), le faux pénis qui urine 19L etc etc…

Mis à part la fin de journée qui se faisait ressentir dans les jambes, les 4h de sommeil la nuit précédente qui envoyaient un recommandé au cerveau et les insupportables gens qui poussaient pour avancer d’un mètre et demi mais qui évidemment se déplaçaient accrochés les uns aux autres à quatorze (ça m’a tellement énervé que j’ai volontairement fait un croche pied à un type), le show fut fort agréable.

Les lumières s’éteignent, puis Till revient faire un piano-voix. À ce moment je me dis que si un mec lambda, passe près de la Main Stage, voit 25 000 personnes immobiles fixant un type qui chante avec toute la douceur de la langue germanique sur un piano, il se dira probablement qu’il est temps pour lui d’arrêter de regarder des films de David Lynch et de prendre des psychotropes. Je me suis fait rire. Ceci dit c’est vrai que j’ai un problème avec le germain, je trouve ce langage trop rugueux pour être chanté. Néanmoins je peux le dire : je les ai vu.

Setlist :
Ich tu dir weh
Wollt ihr das Bett in Flammen sehen?
Keine Lust
Sehnsucht
Asche zu Asche
Feuer frei!
Mein Teil
Ohne dich
Wiener Blut
Du riechst so gut
Benzin
Links 2-3-4
Du hast
Bück dich
Ich will

Encore:
Mein Herz brennt 
(piano version)
Sonne
Pussy

Retournant vers notre batmobile, nous nous esclaffons sans retenu devant les tentes inondées, et nous nous félicitons d’avoir choisi de dormir sur les sièges de la voiture. Je peux vous dire que le lendemain matin on riait beaucoup moins. Cependant ce système nous a permis de voir quelques énergumènes errer dans la plaine qui servait de parking.

-Qu’est-ce qu’il fait celui là

-Je sais pas il regarde dans les voitures

-Il cherche peut-être à manger

(l’homme remarque qu’on l’a remarqué et s’en va)

-Ahah ! Il fait comme si il ne s’était rien passé

-Si il avait un nom indien ce serait « ours qui fouille »

Rendez-vous le lendemain.

Le point sosie : En festival et en concert plus généralement, j’aime bien trouver des gens qui ressemblent à d’autres gens, bien évidemment il faut que les personnalités soient un peu ridicule ou avec un physique original, car si je vous dit que j’ai croisé les sosies de Ryan Goslin ou Brad Pitt il y a peu de chance que cela vous provoque un rictus. En revanche si je vous dit que pour ce premier jour j’ai croisé un Rob Scheinder grassouillet aux cheveux longs, Rou Reynolds, Peter Dinklage (Tyron Lannister) en grande taille, ainsi qu’un homme mi mouton/mi Ian Ziering (Steve de Beverly Hills) ; c’est déjà plus intéressant.

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Greenfield Flyers
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