Lana Del Rey – « Born To Die »

- 27/02/12 00:10

 

Aujourd’hui, comble de l’ironie, il est possible d’avoir tout entendu d’un Artiste sans jamais l’avoir écouté. C’est un peu le sentiment qui habite ma plume au moment de gratter mes premières lignes sur l’album de Lana Del Rey, intitulé « Born To Die ». « Born to Die » justement… Un titre évocateur, non ? En effet, le rayonnement actuel de Lana Del Rey peut s’expliquer par cette quête permanente d’un nouvel emblème pop par des médias aussi prompts à diviniser ces artistes qu’à revêtir la tunique du cinglant iconoclaste. Lady Gaga prête à rompre sous le poids de son exubérance, Adèle proche du chômage technique, la tempétueuse Lana Del Rey était toute désignée pour en assurer la succession. Et puisque l’on parle de contexte, il me vient cette petite, mais nécessaire, précision avant d’entamer mon analyse : j’ai beaucoup entendu sur les performances live douteuses de la demoiselle, ainsi que sur ses frasques extra-musicales, mais c’est un hors-sujet qui ne m’intéresse pas ici. Focalisons-nous sur le produit et uniquement sur celui-ci.

L’écoute s’ouvre sur « Born To Die », morceau titre, et le parfum de Lana Del Rey répand déjà son arôme. Une épaisse nappe ambiante, à l’orchestration presque tribale, une voix chaude et fascinante : on se sait de suite en face de quelque chose de palpitant sinon de grand. Mais, ce qui saute aux oreilles, si vous m’autorisez ce barbarisme, c’est cette apparente fragilité du timbre. La demoiselle semble, en effet, être à la peine, parfois, pour conserver une certaine justesse, ce qui, étonnamment, rend sa voix encore plus touchante et même intimidante. Une grâce qui lui permet de sublimer des titres peu convaincants initialement comme « Vidéo Games » ou « Million Dollar Men » et son ambiance quasi-jazzy. « Vidéo Games », parlons-en : je suis toujours aussi surpris de voir qu’un morceau avec une telle teneur lyrique puisse, à ce point, vamper les ondes. Un titre voué à devenir un véritable hymne tant il présente d’allure.

Parmi les petites pépites de l’objet : le bien-nommé « National Anthem » avec son opening au violon et ses chœurs étourdissants. Lana Del Rey parvient à imprégner chacune de ses compos d’une grandiloquence presque métaphysique. « Off the races » joue avec intelligence, et espièglerie, sur un contraste vocal et instrumental saisissant, entre sonorités tribales et électro, timbre de diva et accent mutin. Le doublage de la voix donne un peu plus de cachet à l’ensemble comme sur le sympathique « Summertime Sadness ». A signaler également, le poignant « Dark Paradise » qui décolle sous l’impulsion des violons. Textuellement, Lana Del Rey alterne, avec un rare talent de funambule, entre le sincère et l’hilarant, le profond et le sarcasme. « Diet Mountain Dew » se rapproche un peu plus d’un Oh Land avec un accent pop nettement plus affirmé. Une fois n’est pas coutume, le focus ne se concentre pas sur la voix, mais bien sur le rythme même de la chanson, presque dansant avec son piano facétieux en arrière-plan, soutenu par un drumming simpliste en métronome.

Finalement, ce qui est rassurant avec ce « Born to die », c’est que son succès ne peut être imputé uniquement au contexte de sa sortie, développé un peu plus haut de mon introduction. Car, il ne faut pas s’en cacher, on avait un peu peur que le buzz ait frappé, comme la foudre, un peu n’importe où,  n’importe quoi. Mais, aussi loin puisse t-elle encore être du piédestal sur lequel on l’a positionné, Lana Del Rey nous offre ici un album singulier, et c’est bien la plus noble des qualités artistiques. Un opus à la beauté fragile, délicate, presque surnaturelle, façonné à l’image de son interprète et doté d’une intelligence toute particulière dans la conduite de ses refrains, dans la distribution et l’agencement de sonorités contemporaines et plus tribales. Un savant dosage entre l’artistique et le marketing, il ne faut pas se leurrer, au service d’un produit fini savamment pensé ainsi qu’un quasi « Must Have » qui, à défaut de faire date, montre qu’avec beaucoup d’élégance, on peut aussi faire beaucoup de bruit. Envoûtant.

 

 

Tracklist :

01. Born To Die

02. Off To The Races

03. Blue Jeans

04. Video Games

05. Diet Mountain Dew

06. National Anthem

07. Dark Paradise

08. Radio

09. Carmen

 

 

Kevin Dufrenoy

 

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